Nous sommes en l'an 97 après la Grande Epidémie, au coeur de la Cité, une ville de cent cinquante kilomètres carrés et cent mille habitants vivant en autarcie complète, coupée du reste du monde par une immense muraille électrifiée, sous le contrôle de l'armée dont le général en chef possède l'unique ligne vers l'extérieur.
Depuis quatre-vingt-dix-sept années, personne n'est sorti. La ville a été emmurée afin de contenir un terrible virus qui avait émergé d'un laboratoire situé sous la cité. Cela a été efficace mais malheureusement, tous les habitants sont devenus des porteurs sains, mortels pour quiconque de l'extérieur les côtoie. Seule la découverte d'un vaccin pourra les libérer.
Une partie de la population a même muté, atteinte par une forme atténuée du virus, non transmissible mais mortelle à long terme pour le porteur : on appelle ces malades des Lazuli, en raison de la couleur bleue de leur cheveux. Ils n'ont aucun droit, relégués aux basses besognes en attendant que la maladie les tue dans d'atroces souffrances.
Nous rencontrons Maïa, une jeune recrue de dix-sept ans, déjà sous-lieutenant. Elle est en grande conversation avec Dimitri, son mentor et ami de la famille, lorsque ce dernier est arrêté pour haute-trahison. Suspectée de complicité, Maïa est pourtant rapidement relâchée. La jeune fille se demande comment Dimitri a été démasqué et ne peut s'empêcher de se sentir coupable. Car les documents interdits qui lui ont valu sa condamnation étaient pour elle. Elle est persuadée que les dirigeants militaires de la Cité mentent et que l'extérieur les a abandonnés. Dimitri partage ses doutes et l'avait poussée à intégrer l'armée, où elle pourrait plus facilement trouver des réponses à ses questions. Et voilà qu'il a été arrêté et condamné au Châtiment, la punition extrême : vingt-quatre heures de tortures dont on sort vivant mais détruit.
Maïa réussit à lui rendre visite dans sa prison et c'est là qu'il lui parle pour la première fois de l'Enfant Papillon. Il est indispensable qu'elle le trouve car lui seul sait comment quitter la Cité. Maïa a un mois, un seul, pour trouver cet homme, libérer Dimitri et sortir de la Cité.
Gabrielle Massat signe avec LEnfant Papillon son premier roman et c'est une vraie réussite. Elle nous plonge dans un huis-clos oppressant, au sein d'une ville abandonnée de tous dont les habitants survivent plutôt que ne vivent, en l'attente d'une hypothétique aide extérieure. Une jeune femme est persuadée qu'on leur ment et fera tout pour découvrir la vérité, même si elle ne se doute pas qu'elle sera encore pire que tout ce qu'elle aurait pu imaginer.
Bien évidemment, pour les fans du genre, cela a un gout de déjà-lu mais l'auteur réussit néanmoins à nous emporter dans son univers sans qu'on se pose mille questions. D'autant que pour une fois, l'héroïne ne va pas s'engager, même contre son gré, dans une lutte contre le système afin de libérer le peuple de ses oppresseurs : non, elle cherche simplement à sortir de cette ville qui l'étouffe et à sauver son mentor. Elle agit pour elle.
Le style est simple mais efficace, les personnages bien construits et l'intrigue percutante. Les chapitres s'ouvrent sur le décompte du temps quil reste à Dimitri avant le Châtiment, ajoutant au sentiment durgence.
Cette dystopie est l'occasion dune réflexion sur la ségrégation et le racisme, personnalisés par les Lazuli, ces êtres dont le seul crime est d'être les témoins vivants d'une catastrophe passée. Mais aussi sur le totalitarisme : ici, larmée est toute puissante et gare à ceux qui souhaiteraient se mettre au travers de sa route. Les militaires ont tous les pouvoirs et n'hésitent pas à en user voire abuser. Je nai pu parfois m'empêcher de faire le parallèle avec certaines dictatures actuelles, comme la Corée du Nord par exemple. Ce n'est peut-être pas le but de l'auteur mais son récit a de forts accents réalistes.
Un roman réellement abouti, à l'intrigue bien menée, qui possède son lot de rebondissements et coups de théâtre. Une romance vient se greffer à l'histoire mais elle est habilement menée, sans alourdir lintrigue principale. Jespère bientôt lire de nouveaux écrits de cette jeune romancière très prometteuse. Pourquoi pas une suite, ce que la fin pourrait permettre même si ce roman se suffit à lui-même. A conseiller sans modération à tout lecteur à partir de treize ans.