Les Chroniques de l'Imaginaire

Jacquou le croquant - Lemoine, Christophe & Le Roy, Eugène & Cécile

Le petit Jacques, surnommé Jacquou, n'est qu'un enfant, en cette année 1824, alors qu'il vit avec ses parents, en Dordogne. La famille est une famille de métayers, qui dépendent des propriétaires du château de l'Herm, les Nansac. Ces derniers sont des seigneurs sans la moindre humanité, notamment le vieux conte. Ce dernier y est pour beaucoup dans l'emprisonnement et la mort du père de Jacquou, un homme qui a tout fait pour défendre ses biens et sa famille.

Alors, Jacquou et sa mère sont bientôt chassés de la maison où ils ont toujours vécu. Les Nansac font tout pour que la mère de Jacquou ait du mal à trouver un travail, enchaînant les kilomètres et les heures de marche dans les forêts pour apporter une bien maigre pitance. Jacquou est contraint de vivre seul, dans la nature, à attendre sa mère, jusqu'à ce que celle-ci trépasse à son tour, épuisée, et en plein hiver...

Jacquou n'a alors pas d'autre choix que de quitter les terres des Nansac. Il est recueilli par le père Bonal et sa servante, Fantille, dans un village éloigné, loin de l'influence des Nansac. Pour la première fois, Jacquou vit des années paisibles, où il trouve sa place naturellement dans les travaux des champs. Jusqu'à ce qu'il croise la galiotte, une des filles du comte Nansac. A partir de ce moment, le cauchemar reprend. Sous l'influence des Nansac, le père Bonal n'est plus le prêtre local. Contre toute attente, c'est vers les terres de l'enfance de Jacquou que l'ancien prêtre, Fantille et Jacquou reviennent à présent...

Jacquou le croquant est à la base un roman d'Eugène Le Roy, paru en 1899. On se retrouve en Dordogne dans ce récit, en compagnie de braves paysans, qui ont à vivre en présence de seigneurs inhumains. Un grand classique, certes, mais qui ne l'était sans doute pas tant que cela à l'époque de la sortie initiale de cette histoire.

C'est ici Christophe Lemoine qui reprend cette histoire pour le compte du neuvième art, et c'est Cécile qui est au dessin. Le duo d'auteurs n'en est pas à sa première collaboration, puisqu'on leur doit déjà la très jolie adaptation de Poil de carotte, parue l'an dernier également chez Vents d'Ouest.
Force est de constater que ce récit se lit avec beaucoup d'intérêt : on ne se rend absolument pas compte que les pages défilent, et la magie originelle opère toujours, quel que soit entre parenthèses l'âge du lecteur. La bande dessinée est orientée jeunesse, et même si elle est parfois difficile, en mettant en avant la misère locale et des pratiques peu recommandables, elle a le mérite d'être franche, intelligente et directe, ce qui changera de la plupart des productions destinées à cette tranche d'âge.

Les dessins de Cécile sont tout à fait réussis : c'est joli sans être inoubliable, et les couleurs discrètes de Mariacristina Federico sont parfaites pour mettre en valeur les traits de Cécile. Les expressions, notamment certains regards, sont particulièrement réussies, même si certaines cases sont assez inégales, avec d'étranges effets de trouble qui n'étaient sans doute pas volontaires.

Une histoire agréable, à faire découvrir par le plus grand nombre, à la réalisation soignée malgré quelques petits défauts bien mineurs.