1960. Le Général de Gaulle est assassiné dans un attentat. C'est le destin de l'Algérie qui va alors se jouer. La partition est appliquée, et une partie du pays restera française. C'est d'ailleurs là bas que le mouvement vautrien prendra toute son ampleur et influencera tant la politique locale que les courants musicaux. C'est dans cet Algérois que vit le narrateur principal, un collectionneur de vinyles acharné. C'est un peu par hasard qu'il tombera un jour, sur un site d'enchères, sur un 45-tours qu'il ne connait pas et dont il n'avait même jamais entendu parler : Rêves de Gloire des Joyeux Fellagah. Le disque lui passe sous le nez et rapidement il devient totalement obsédé par cette uvre. De recherches en recherches, il s'aperçoit rapidement que toutes les personnes l'ayant possédé ont connu une fin tragique, abrupte, et pas du tout naturelle.
Qu'il est difficile de chroniquer un tel roman !
Rêves de Gloire est une uvre plus que mûrement réfléchie. Cinq ans de travail et presque vingt ans de gestation auront produit quelque chose de totalement unique et atypique. En l'espèce, Roland C. Wagner pousse le principe de l'uchronie dans ses extrêmes retranchements. Il réécrit l'Histoire donc, mais ne tombe pas pour autant dans l'écueil du genre. Tout cela reste parfaitement crédible, même si certains aspects sont un peu limites, on ne peut que se dire que les choses auraient pu se passer ainsi.
Comme d'habitude chez l'auteur, la plume est là, aussi affirmée que naturelle. En fermant les yeux, on aurait presque l'impression d'entendre notre collectionneur nous conter son histoire. Quel travail d'utilisation de la langue française ! De ce point de vue là, on pourrait même parler d'un chef duvre ! On ressent à travers les pages l'amour profond qu'a l'auteur pour la musique et plus particulièrement le rock'n roll. L'aspect parfois un peu léger de cette fiction, les passages qui pourront faire sourire grâce à cette petite touche d'humour si caractéristique, ne semblent être là que pour nous permettre une réflexion personnelle et une introspection plus faciles.
Les personnages suivent bien évidemment cette ligne, et sont d'un réalisme bluffant. On ressent aussi tout le plaisir pris à utiliser des marginaux qui ne le sont peut-être pas tant que ça, des humains, engagés, décalés, et tellement à leur place.
Le seul défaut pour moi résiderait dans la construction polyphonique de luvre. Les sauts d'un narrateur à l'autre sont très fréquents et pas toujours facilement identifiables. Plusieurs lignes sont parfois nécessaires afin d'identifier le narrateur, l'époque, le contexte. Ces passages, plutôt courts, font aussi que l'on met du temps à connaitre certains personnages, entraînant parfois même un peu de frustration... On voudrait en savoir un peu plus !
Cet enchaînement peut gêner un peu le lecteur (et ce fut mon cas pendant une bonne centaine de pages). Une fois l'habitude prise, la lecture file, mais j'avoue que cela a un peu gâché mon plaisir. Par contre, je ne peux que vous conseiller, si comme moi cet état de fait vous perturbe, de vous accrocher et de poursuivre votre lecture. Ce roman est vraiment à lire !