Martin est un garçon qui a passé pas mal de temps à Abu Dhabi, pour assurer un poste lointain, un peu comme s'il avait quelque chose à fuir, en France... Il est là, au bord d'une falaise, à attendre, auprès d'un touriste anglais qui mitraille l'endroit de photos. Bientôt, c'est Virginie qui arrive. Martin l'embrasse, de façon un peu trop entreprenante, et se fait éconduire. Apparemment, le couple est sur le point de se séparer. Et pour cause... Martin et Virginie sont frère et sur.
Pour autant, voilà que Martin, qui est parrain du fils de Virginie et Hubert, est invité le samedi suivant à l'anniversaire de son filleul. Un anniversaire de trop, peut-être, où chacun doit être déguisé en Harry Potter... Là encore, les choses sont sur le point de déraper, dans le vieil abri de jardin, où Virginie et Martin se retrouvent seuls. Les larmes de Virginie sont dissimulées, et elle parvient encore à mettre en avant l'opposition qu'elle a avec son frère sur la vente de la vieille et immense maison de famille.
Car les parents de Virginie et Martin sont décédés, et il s'agit maintenant de se mettre d'accord avec le notaire. Pour Virginie, il faut vendre, étant donné le gouffre financier que représente la maison familiale en hiver... Pour Martin, hors de question d'évoquer le sujet : les souvenirs sont ici trop nombreux. La relation ne va pas s'arranger lorsqu'un arbre centenaire va s'abattre sur la véranda de l'immense propriété...
Après Le beau voyage (chez Dargaud), c'est à nouveau à une tranche de vie bien particulière, qui traite d'inceste, que nous convient Zidrou et Benoît Springer. L'histoire se situe dans le Pas-de-Calais, quelque part entre le Cap Blanc-Nez et le Cap Gris-Nez. A ces occasions, les paysages dessinés par Springer sont magnifiques, avec des couleurs particulièrement réussies de Séverine Lambour. Les lieux ont une lumière magique, qui transparaît ici, notamment dans les dernières planches, pleines de poésie.
L'inceste est traité ici comme une histoire d'amour, vraie, entre deux êtres que tout attire, même si elle a fait sa vie depuis longtemps. Le retour de Martin est un véritable séisme pour Virginie, et Zidrou sait ici nous le raconter parfaitement. Les réactions sont vraies et la tranche de vie vraiment racontée avec brio, comme sait le faire quelqu'un comme Etienne Davodeau (Lulu femme nue...).
Les dessins de Benoît Springer (Terres d'ombre, Volunteer...) sont à l'avenant, avec des expressions qui sonnent parfaitement justes, et qui rendent les personnages attachants et crédibles dans leurs rôles, jusqu'au bout des ongles.
Un très beau récit complet qui n'a rien à envier à bien des films français : à quand Karin Viard dans le rôle de Virginie ?