Les Chroniques de l'Imaginaire

L'insoutenable légèreté de l'être - Kundera, Milan

"Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge ? Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune. Qu'est-il resté de Tomas ? Une inscription : Il voulait le Royaume de Dieu sur la Terre. Qu'est il resté de Beethoven ? Un homme morose à l’invraisemblable crinière, qui prononce d'une vois sombre : "Es muss sein !". Qu'est-il resté de Franz ? Une inscription : Après un long égarement, le retour. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c'est la station de correspondance entre l'être et l'oubli."

Qu'est-ce que la vie si ce n'est un éternel recommencement, un éternel retour ? Et si justement, cela n'était que tout l'inverse ? C'est certainement pour cela que l'histoire du monde est unique. C'est certainement pour cela que l'histoire des relations humaines est unique.

Il n'y a qu'à observer Tomas et Téréza, Tomas et Sabina, Sabina et Franz ou Téréza et Karénine. Le lien est l'amour indéniablement, mais l'amour c'est aussi l'image que chacun de nous s'en fait, la compréhension que chacun de nous en a.

Je ne sais pas vraiment comment parler de ce livre. Je ne sais pas comment je pourrais y porter un jugement. J'ai même quelques difficultés à le résumer, et pour la première fois depuis que je chronique ici, je reprends en introduction la quatrième de couverture, sans la traduire à ma façon.

Ce que je peux en dire, c'est que bien des jours après en avoir terminé l'écoute je suis encore ébranlée par les mots, par les personnages, par les émotions. Les phrases de Milan Kundera sont brillantes de pureté, et magnifiques de simplicité. Tout coule, tout file. Et pourtant, il commence son récit en faisant référence à Nietzsche, qui n'est pas nécessairement le plus accessible des philosophes. Et pourtant, entre flash-back, aller-retours, changement de narrateur, de point de vue, on aurait pu si facilement s'y perdre et décrocher. Et pourtant, les première phrases marquent le début d'un voyage que l'on finit presque avec tristesse. C'est inexplicable. C'est beau.

Il s'agit ici d'un audio-livre, et le paris était risqué sur une telle œuvre de proposer au public huit heures trente d'écoute. Encore une fois, le pari est gagné. La lecture par Raphaël Enthoven est juste ce qu'elle doit être : enivrante, entêtante... un peu hypnotisante même parfois. On ressent à l'écoute son émotion, sans pour autant qu'elle ne prenne le pas sur la nôtre. J'avoue avoir été plus que charmée par le premier livre et la vie selon Tomas, mais cette voix et cette sensation sur le dernier livre, en accompagnement de la disparition de Karénine, est juste une pure merveille.

Il y avait bien longtemps que je n'avais pas ressenti une telle émotion au travers d'un livre, et j'en suis encore à savourer les restes d'émotion que me provoque le souvenir de cette écoute. Un gros, très très gros coup de cœur en ce qui me concerne ! Je file acheter la version papier pour mettre mes voix sur cette lecture...