Redwin est un jeune nain. Un adolescent, qui est apprenti auprès de son père à la forge. Il apprend à façonner le métal et à transformer l'acier en outils de travail, en ustensiles de cuisine ou en bijoux. Son père est un maître en la matière, il est reconnu par ses pairs dans ce domaine. Mais il est aussi connu comme un nain de la Forge qui refuse de construire des lames et des haches. Un nain qui ne travaille pas la forge de bataille. Un nain inutile.
Cette prise de position paternelle pose problème à Redwin qui, en plus d'être la risée de ses congénères, se sent humilié par cette attitude. Redwin rêve de redorer le blason familial, de laver la lâcheté de son père et de devenir un seigneur des runes.
Le scénariste Jarry démarre une nouvelle série autour de la race des nains. Des histoires qui se déroulent dans le même univers que les Elfes. Il y aura cinq tomes, chacun consacré à une des nations naines. Ce premier épisode est consacré aux forgerons et artisans des métaux, l'ordre de la Forge.
Jarry nous propose un récit qui s'éloigne des habituels poncifs de la fantasy, pour notre plus grand plaisir. Il nous fait suivre le passage à la vie d'adulte d'un nain qui s'oppose à la volonté de son père. Une quête qui forcera Redwin à faire des choix aux conséquences jamais indolores. Le scénariste, amateur de bonnes choses (avec des barbes et des marteaux), développe son personnage principal avec une finesse psychologique peu courante dans un univers aussi brutal. Redwin et ses congénères dégagent une empathie certaine. Lui et ses proches sont vite attachants. Enfin, la voix off du narrateur du récit apporte un cachet indéniable à cet album. On pourra juste lui reprocher de ne pas mieux présenter le passage du temps.
Les acteurs et leurs émotions sont brillamment mis en images par le dessinateur, Goux, qui travaille avec le même doigté que Jarry. Les expressions faciales sont modérées et efficaces, le mouvement est fluide et le niveau de détails est élevé mais pas lourd.
Les scènes de combat ne sont pas délaissées pour autant. Grâce au talent de Goux, leur mise en scène et leur percussion sont particulièrement réussies. Le dessinateur aide son collègue à nous plonger dans une atmosphère captivante dont on ne veut pas se dégager avant de refermer cette bande dessinée. Le coup de crayon de Goux est précis et fin, sa représentation des nains est tout à fait conforme à la mienne et il s'en sort plutôt bien dans les complexes et populeuses vues de stade.
En conclusion, cet album, qui peut se lire indépendamment, est une jolie surprise, une belle découverte et une réussite complète. Il devrait ravir les amateurs de fantasy et, en particulier, ceux de ses meilleurs représentants.