Les Chroniques de l'Imaginaire

L'Arbre de l'Été (La Tapisserie de Fionavar - 1) - Kay, Guy Gavriel

Pour fêter les cinquante ans de son règne, le haut-roi Ailell du Brennin a envoyé le mage Lorèn Mantel d'Argent dans un autre univers, avec pour tâche de ramener cinq étrangers qu'il pourra faire parader lors de son jubilé. C'est dans notre monde, à Toronto, que Lorèn trouve ce qu'il cherche : cinq jeunes gens qu'il convainc de l'accompagner pour une visite de deux semaines en Fionavar, le Grand Univers à l'origine de tous les autres.

Mais il peut s'en passer des choses, en deux semaines ! Le Brennin est victime depuis plusieurs mois d'une sécheresse surnaturelle, des monstres des Ténèbres s'aventurent au cœur du royaume et le haut-roi vieillissant n'a pas le courage de se sacrifier dans l'Arbre de l’Été pour en appeler à la protection du Dieu Mörnir. Dans l'ombre, Rakoth Maugrim le Dévastateur, enchaîné sous une montagne depuis un millénaire, a finalement trouvé le moyen de se libérer pour assouvir sa vengeance. Des fils bien sombres sont en train de se mêler à la Tapisserie tissée par les Dieux...

La trilogie de La Tapisserie de Fionavar est la première œuvre de Guy Gavriel Kay, qui s'est depuis fait connaître comme le maître de la fantasy historique. On y sent fortement l'influence d'une fantasy "tolkiennienne" très classique, l'auteur ayant collaboré à la parution de Le Silmarillion, œuvre posthume de J.R.R Tolkien. Des mages, des nains, des elfes (même s'ils ne sont pas nommés ainsi), un grand méchant et ses acolytes, des mythes et des Dieux... tous les ingrédients sont là pour une gigantesque fresque riche et complexe.

Pourtant, malgré le nombre d'informations reçues, de personnages et de sous-histoires, le lecteur s'y retrouve très bien. Mieux : l'histoire est si addictive que l'on ne peut pas lâcher le roman avant de l'avoir terminé, comme ce sera aussi le cas des romans suivants de l'auteur.

Une des forces du récit vient des personnages, qui ont tous une vraie profondeur. Les cinq Terriens, que l'on découvre un peu en bloc au début, ont chacun leurs caractéristiques propres : il y a la belle Jennifer et sa colocataire Kim, curieusement touchée par Fionavar ; Kevin le garçon populaire et entraînant que tout le monde apprécie, et son ami Paul, refermé sur lui-même depuis la mort de celle qu'il aimait ; et Dave le solitaire, qui ne voulait pas venir et va se retrouver séparé du groupe lors de la traversée...
Du côté des natifs de Fionavar, les personnages sont nombreux mais si je devais n'en retenir qu'un seul, ce serait sans hésitation le prince Diarmuid dan Ailell. Aux yeux de la cour, il est séducteur et frivole, ne pensant qu'à s’enivrer et s'amuser, flamboyant et imprévisible. Mais ce prince vif-argent est également un esprit brillant et sensible, un homme exceptionnel que le lecteur n'oubliera pas de sitôt.

La plume est fleurie et agréable, même pour moi qui n'apprécie pas toujours les écrits aux paragraphes trop denses. Les pages se tournent toutes seules. L'auteur use déjà de ce qui deviendra une de ses marques de fabrique : il lance des pavés dans la mare en fin de chapitres, aiguisant l'appétit des lecteurs pour ne les rassasier que plusieurs pages plus loin...

Je regrette un peu l'aspect trop classique de l"univers fantasy, malgré sa richesse, ainsi que la touche fantastique apportée par la traversée des Terriens vers Fionavar. Peut-être est-ce pour cela que j'aime moins cette trilogie que d'autres œuvres plus tardives de l'auteur (Tigane et Les lions d'Al-Rassan étant pour moi de pures merveilles).
Il n'en reste pas moins que c'est un ouvrage bellement tramé, à découvrir par tous les amateurs de fantasy.