Le 28 septembre 1986, Cyril et Alexandre, deux enfants de huit ans, jouent sur la butte SNCF jouxtant la rue Venizelos de Montigny-les-Metz. Comme ils ne rentrent pas, leurs parents partent à leur recherche, rapidement renforcés par la police qui les retrouvera morts. Ou plutôt massacrés, si on en juge par les premières constatations "sur un rayon de deux mètres environ, la présence de fragments osseux, de matière cervicale et de sang".
L'enquête démarre immédiatement, mais mal. Le médecin légiste n'a pas de thermomètre et ne peut dater précisément l'heure de la mort des enfants et des éléments importants présents sur le lieu du crime ne sont pas mis sous scellé. Le lendemain, des traces d'essuyage de sang sur un wagon découvertes par les policiers ne font l'objet que de prises de photos. Puis, plusieurs témoignages sont ignorés par les enquêteurs.
De fait, l'enquête piétine. Mais les policiers suivent de près la famille Dils dénoncée par une source anonyme. Toujours choquée par ce meurtre atroce et laffaire du petit Grégory, l'opinion publique met la pression sur les enquêteurs. Alors, quand en avril 1987 un nouveau témoignage permet aux enquêteurs de mettre en cause Patrick Dils, ils larrêtent et mettent une pression terrible sur cet adolescent de seize ans pendant sa garde à vue. Celui-ci finit par "avouer" le double meurtre. Ayant enfin un coupable sous la main, la machine judiciaire s'emballe et ne lui laisse aucune chance : il est condamné à la réclusion à perpétuité.
Malgré ses rétractations, Patrick Dils croupit en prison pendant plus de dix ans. Seule la présence avérée de Francis Heaulme, le "routard du crime", à proximité du lieu du meurtre permet l'ouverture d'un procès en révision en 2001...
Le sous-titre de "contre-enquête" n'est pas usurpé. Emmanuel Charlot et Vincent Rothenburger retracent tous les éléments de cette affaire avec une précision que l'on pourrait qualifier de chirurgicale. Malgré la neutralité que souhaitent conserver les auteurs, on a parfois l'impression que c'est un livre à charge contre ceux qui ont travaillé en premier sur cette affaire. Mais non, tous les événements décrits dans ce livre sont accompagnés d'un élément factuel ou d'un témoignage. Et c'est bien ce qui est encore plus effrayant et qui peut faire germer des doutes sur ces institutions chargées de notre protection. Comment la police et la justice ont-elles pu se tromper ainsi ? Pourquoi, alors que quelques années plus tard tout montrait que l'on avait affaire à une erreur judiciaire, la justice semble non seulement ne pas chercher la vérité, mais en plus tenter d'étouffer l'affaire ? Résultat, presque vingt-neuf ans plus tard, l'affaire n'est toujours pas résolue puisque Patrick Dils a été innocenté en 2002.
Emmanuel Charlot réussit en plus à rendre son ouvrage passionnant avec un découpage habile des chapitres qui nous tient en haleine du début à la fin. Lecture dautant plus agréable quayant commencé l'enquête en non spécialiste des affaires judiciaires, il nous en explique les rouages au fur et à mesure quil les découvre.
Une enquête vraiment captivante. Le seul point noir étant que, malgré tous les efforts déployés par les enquêteurs - y compris lauteur - et au grand désespoir des familles de Cyrille et Alexandre, on ne connait toujours pas le (ou les) coupable(s) de ce crime qui sera certainement à ranger dans les affaires non résolues.