Les Chroniques de l'Imaginaire

Ysabel - Kay, Guy Gavriel

Ned Marriner accompagne son père en France pour une tournée photographique. Deux mois à flâner en Provence au lieu d'aller à l'école : le rêve pour ce jeune Canadien de quinze ans. Mais bien vite, les événements vont prendre une curieuse tournure.

Alors que Ned flirte avec une Américaine de son âge dans la cathédrale d'Aix-en-Provence, tous deux tombent sur un individu dangereux et énigmatique. Visiblement, l'homme vient de déposer une rose auprès d'une statue ancienne de la reine de Saba. Sauf que Ned "sait" qu'il ne s'agit pas du tout de la reine de Saba, tout comme il "sait" que c'est leur inconnu qui a sculpté cette œuvre des centaines d'années auparavant... Peu à peu, les incidents s'enchaînent, pour culminer par la "disparition" de Mélanie (l'assistante du père de Ned) lors de la nuit de Beltaine. Une course contre la montre s'ensuit pour la retrouver, car Ned et ses proches ne disposent que de trois jours pour retrouver Mélanie, et doivent prendre de vitesse leurs adversaires !

Je n'avais pas lu que du bien de ce livre avant de l'avoir entre les mains, au point d'hésiter à me le procurer depuis plusieurs années, et ce n'est pas sans une certaine appréhension que je l'ai commencé. Et effectivement, il faut bien reconnaître que c'est loin d'être le meilleur roman de Guy Gavriel Kay à mon goût, et je les ai pourtant presque tous lus.
La première partie a été lue sans ennui mais sans intérêt non plus, et il m'a fallu attendre la moitié du livre (après la disparition de Mélanie) pour accrocher vraiment. La deuxième partie a toutefois été suffisamment prenante pour que je la dévore quasiment d'une traite.

En fait, le problème vient de la comparaison inévitable avec les autres romans de l'auteur, dont plusieurs sont exceptionnels. Kay est un maître de la fantasy historique et sait nous plonger dans des univers riches et complexes dont il est difficile de se détacher. Seule sa première œuvre, la trilogie de La Tapisserie de Fionavar, se démarque de ce point de vue, puisque des gens venant de notre univers contemporain y sont déplacés dans un monde de type fantasy, mais même là notre univers reste relativement en retrait. Alors que dans Ysabel, point d'autre monde à l'horizon : tout se passe dans notre monde, avec une base bien réelle. Alors, l'auteur brode et nous fait découvrir la Provence à la manière d'un dépliant touristique, et nous conte des histoires celtes et/ou romaines, mais malgré tout le dépaysement n'est pas là.

Cela donne l'impression d'un contexte et d'une histoire juste survolés. Moi qui apprécie les nombreux fils entremêlés que l'on trouve habituellement dans les histoires de Guy Gavriel Kay, là j'ai trouvé le scénario trop linéaire, trop simple. Idem pour les personnages : trop simples, trop peu nombreux. Bref, l'histoire n'est pas assez riche pour me satisfaire totalement.
J'ai certes apprécié de retrouver Kim et Dave, personnages précédemment rencontrés dans La Tapisserie de Fionavar, mais finalement leur rôle n'est pas vraiment indispensable. Pire, je pense que cela pourra frustrer ceux qui n'ont pas lu la trilogie en question, qui se casseront les dents devant les allusions trop obscures et finalement non expliquées aux événements qu'ont vécus ces deux personnages vingt-cinq ans plus tôt.

A la base de l'histoire, on a donc un triangle amoureux, une femme - la fameuse Ysabel - qui a choisi un homme au détriment d'un autre. En tous temps, le trio se réincarne régulièrement et laisse dans son sillage violence et sang, au gré des choix de la belle... Cette fois pourtant, quelque chose a changé ; un grain de sable, d'abord tenu en dérision par les deux prétendants, mais qui a entraîné finalement un changement plus profond dans le destin des trois êtres.
Ce grain de sable, c'est un jeune homme, qui se cherche comme beaucoup d'adolescents. On le suivra donc dans une quête identitaire moderne, où il apprendra qui il est en cherchant une personne proche disparue.

Dernier point qui pourra gêner les lecteurs : la traduction. Le texte est en français québecois, et cela est d'autant plus sensible que cela se passe dans un monde moderne où le vocabulaire est à l'avenant. On pourra d'abord sourire devant les patins à roulettes alignées, ou nos héros qui se retrouvent parfois "dans l'eau chaude", mais finalement on se lasse vite, comme à écouter quelqu'un qui a un trop fort accent et qu'on ne comprend pas tout à fait.
Notons toutefois que j'ai lu la version québecoise parue en 2007, tandis qu'Alire vient de faire paraître ce mois-ci une édition européenne dont on peut espérer qu'elle soit exempte de ce problème.

Si donc j'ai pris plaisir à lire ce livre, cela reste une déception par rapport au reste de la production de Guy Gavriel Kay, bien plus riche. Ce pourrait cependant être une bonne façon de découvrir l'auteur pour ceux qui aiment les lectures faciles et serait rebutés par ses autres textes, nettement plus exigeants, ou encore pour les ados, qui pourront s'identifier au jeune héros.