Les Chroniques de l'Imaginaire

Gagner la guerre (Récits du Vieux Royaume - 2) - Jaworski, Jean-Philippe

Don Benvenuto Gesufal est un assassin. Il travaille en secret pour le Podestat Ducatore, accomplissant diverses missions toutes tenues secrètes permettant au Podestat d’asseoir sa puissance. Mais Benvenuto, qui ne cherche qu'à s'enrichir, sait garder beaucoup d'informations pour lui. Engagé sur un navire où il feint de prêter main forte aux occupants des lieux, il a pour mission de tuer le sorcier adverse. Mais c'est mal connaître Benvenuto, qui en fin de compte se révèle être un traître.

Mon résumé peut vous paraître court, je vous l'accorde, mais il représente tout de même 70 pages du roman. Et l'ayant lu en plus de trois semaines, mes souvenirs ne sont pas très frais et je souhaite éviter tout spoiler. Trois semaines de lecture agréable où j'ai pu retrouver le style si particulier de Jean-Philippe Jaworski. Une plume ensorcelante, un style ampoulé et à nul autre semblable. Car c'est la première chose que l'on remarque chez l'auteur : son phrasé sonne comme une mélodie à nos oreilles. Cela peut sembler compliqué au départ, mais on finit par s'y faire et par apprécier la prose de l'auteur, si tant est qu'on soit dans le calme pour la savourer. Et le calme, c'est justement ce qu'il m'a manqué pour être à 100% dans ma lecture. Choisissez donc bien le moment où vous souhaiterez découvrir Gagner la guerre parce qu'il demande de la concentration et de l'imagination.

Outre un style vraiment plaisant et qui permet une immersion totale dans l'univers, je dois bien avouer que le héros avait un quelque chose de très original. Héros, voilà un bien grand mot pour définir Benvenuto qui n'agit que par cupidité. Benvenuto est clairement égoïste et se fiche de savoir si ce qu'il commet est bien ou non. Il agit comme il l'entend et nous propose de suivre son histoire via ses mémoires, qu'il écrit de façon parfois très drôle, mais toujours avec justesse. On sera d'ailleurs manipulé par le personnage haut en couleur tout comme il manipule à tout va ceux qui l'entourent. Il pourrait faire penser qu'il est foncièrement mauvais, mais ce n'est pas le cas, il est juste très individualiste et pense d'abord à lui. Malgré sa fourberie, j'avoue que je me suis peu à peu attachée à ce héros qui sort des sentiers battus. Il est lui et il l'assume jusqu'au bout (on a d'ailleurs un aperçu de son caractère dans Janua Vera du même auteur).

Gagner la guerre, c'est une fantasy plus axée politique que magie ou survie du monde. Point de magie très développée, ni de prophétie, Benvenuto ayant de toute façon déjà fort à faire au niveau politique de l'univers puisqu'il sait énormément de choses dont il va se servir. Les descriptions qu'il fait de Ciudalia sont enchanteresses et nous donnent vraiment la sensation d'y être. Politique, je le disais, mais aussi trahison, manipulation, révélation, rebondissement, duel à l'épée, affrontement sur la mer par bateau, tous les ingrédients d'un grand roman sont là ! J'échappe de peu au coup de cœur, uniquement parce que j'ai mis du temps à le lire, trouvant que le texte avait besoin de calme pour être apprécié et ce n'est hélas pas ce que j'ai à la maison. Cependant, je ne retrouve rien à reprocher à Gagner la guerre. Voilà un roman qui mérite d'être lu !