Nous sommes le 3 Juillet 1975, et la France est sur le point d'apprendre une terrible nouvelle, avec l'assassinat à Lyon du juge François Renaud. Le juge en question était considéré à Lyon comme un excellent professionnel. Un homme courageux qui s'est battu contre les nazis lors de l'occupation, qui n'avait pas sa langue dans sa poche, et qui était parfaitement intègre et motivé dans son métier. Un homme qui savait sans doute trop de choses qui auraient pu faire trembler les politiques, il y a quatre décennies...
C'est Benoît Collombat, journaliste chez France Inter, et Etienne Davodeau, dessinateur de bande dessinée que l'on ne présente plus, qui se sont chargés d'enquêter sur cette étrange mort... Très vite, les deux auteurs dirigent leur enquête de terrain et leurs questions vers le S.A.C., Service d'Action Civique, soit-disant association loi 1901, qui a longtemps été une véritable milice qui travaillait sous couvert du gouvernement.
L'enquête s'oriente bien vite vers un braquage survenu à Lyon : le fameux gang des Lyonnais faisait alors le casse du siècle, et l'argent, une véritable fortune à l'époque, n'a jamais pu être retrouvé... Mais les interrogations des gens de l'époque nous font nous interroger maintenant... Les non-dits sont nombreux, encore, malgré le fait que bon nombre de personnes interrogées sont aujourd'hui des retraités. Pour autant, l'atmosphère sait être pesante, notamment grâce aux crayons de Davodeau...
Ainsi, ce Cher pays de notre enfance est forcément un livre dérangeant, et c'est bien le but. De quoi réfléchir, s'interroger, et même se révolter, assurément ! Le livre sort dans un contexte politique national fort, en plein dans des élections régionales qui auront été houleuses, sentant la magouille à plein nez par certains côtés... Finalement, on en arrive à ne plus s'étonner, et on se demande même si cela vaut encore le coup d'ajouter de l'huile sur le feu, avec des événements vieux de plus de quarante ans.
Évidemment que cela vaut le coup ! Ici, le travail des auteurs est soigné, avec des interviews et des enquêtes parfaitement retranscrites. On a droit à un livre dense, au contenu gigantesque, qui reflète forcément un travail de recherche absolument énorme et digne d'intérêt. Bien entendu, le livre n'est pas forcément l'occasion d'admirer des planches incroyables, mais Etienne Davodeau excelle toujours dans l'exercice de rendre tel ou tel personnage attachant, même pour certains politiques.
Un livre à réserver aux fans de complots politiques et de vrais reportages de qualité, qui n'auront pas peur de s'indigner, une fois de plus.
