A chaque début de cycle, Pangée envoie sur l'océan Unique une flotte de chasse gigantesque contre l'Odalim, un monstre marin gigantesque. Si la chasse réussit, le cycle sera prospère ; dans le cas inverse, ce sont vingt-cinq ans de troubles qui attendent la Pangée.
C'est pourquoi, quand la Neuvième chasse revient bredouille et défaite, une décision radicale est prise : toutes les nations vont s'engager dans un effort sans précédent dans le cycle à venir, pour déployer au départ de la Dixième chasse pas moins de trois cent nefs (soit trois fois plus que précédemment). Sur la foi de leurs visions, les oracles partent aussitôt en quête de celui qui dirigera la prochaine chasse, cette chasse qui ne doit à aucun prix échouer.
J'ai commencé cette lecture un peu à reculons : ça m'avait tout l'air d'un gros pavé (près de cinq cent pages bien denses), reprenant une histoire à la Moby Dick à plus grande échelle et à la sauce fantasy. Pas folichon. Et le début démarre mollement, il faut bien l'avouer, même si la découverte de l'univers et de ses particularités ne manque pas d'intérêt. Pourtant, j'ai fini par me prendre au jeu de cette histoire plus complexe qu'il n'y paraissait de prime abord, ne comprenant pas trop où l'auteur nous menait mais désireuse de le découvrir.
La Pangée, donc, est la seule terre connue, un continent solitaire entouré d'un océan immense, l'Unique. Un ensemble de nations disparates, avec ses guerres, ses tensions, ses coutumes variées. Ses habitants - le peuple de Ghiom - nous ressemblent à bien des égards, notamment dans les luttes de pouvoir à haut niveau et la soif de sang de certains. Pourtant, il est clair qu'ils ne sont pas humains : les mâles sont catégorisés en une dizaine de types différents ; les femelles stockent le sperme de différents partenaires pour ensuite concevoir des enfants les plus "complets" possibles, qui poursuivront leur dynastie.
Ce beau continent, cette terre de diversité, nous allons d'abord le parcourir à la suite de Logal Anovia, fils secondaire d'une des plus puissantes familles de Basal, le port d'où partent les chasses et qui est quasiment une nation à lui tout seul. Logal a été écarté par son frère Plairil, l'héritier des Anovia, sous le prétexte d'asseoir l'influence de la famille en s'imposant aux côtés du futur chef de la Dixième chasse. Il accompagne donc les oracles qui parcourent le pays à la recherche de l'élu, et suivra toutes les étapes de la formation du jeune homme à son rôle.
Passé la première moitié du récit, nous allons également nous attacher aux pas d'une jeune femme étonnante, Hammassi, choisie pour être la conteuse en titre de la Dixième. Et à d'autres encore, car le récit linéaire du départ explose ; l'histoire mêle alors allègrement le récit de la chasse avec ses rebondissements, l'ambition d'un homme visionnaire qui pense qu'il est temps de remplacer le système de volontariat qui prévaut parmi les Ghiom par une économie basée sur de la monnaie sonnante et trébuchante (avec, accessoirement, une tête unique pour diriger tout Pangée : lui), le retour vengeur de créatures marines plutôt mystérieuses décimées par les Ghiom depuis des siècles... Bref, on voit que, même si certaines pistes évoquées depuis le début de l'ouvrage ne menaient à rien, le tout formait malgré tout un ensemble riche et complexe, un livre-monde qui marque et que l'on n'oublie pas. Il est juste dommage que les personnages soient un peu trop lisses pour qu'on s'y attache vraiment.
Et pour ceux qui s'interrogent sur la classification en science-fiction de cet ouvrage : non, ce n'est pas une erreur, mais je ne vous en dis pas plus pour vous laisser découvrir le récit comme il se doit.
Qu'ajouter, encore, pour vous encourager à découvrir cet ouvrage épique ? L'auteur est français et la plume est belle et évocatrice, de quoi prendre un vrai plaisir à la lecture même pour les lecteurs exigeants en terme de style. Une très bonne surprise, pour moi.