Les Chroniques de l'Imaginaire

Les rêves de guerre - Médéline, François

Molina est flic à Lyon. Un jour de 1989, il reçoit la nouvelle que Paul Wallace a été tué à Yvoire, au bord du Léman. Le tueur, Jean Métral, est en maison d’arrêt. Paul Wallace est le frère de Ben Wallace, deux amis d'enfance de Molina. Vingt ans avant, il était le premier Wallace à être démoli par Métral. Molina force son chef à lui octroyer ses vacances et il prend la route avec un vieux collègue de la SRPJ lyonnaise. Métral n'a pas commis le premier meurtre, il n'a pas plus commis le second.

Ce roman ouvre en nous balançant au fond d’une fosse remplie de merde, de cadavres et de haine. C'est pour votre sensibilité. Médéline annonce d'emblée la couleur. Les rêves de guerre ne seront pas héroïques, vous pouvez remballer le drapeau et la Marseillaise. Et relisez l'ouverture une deuxième fois.

On passe ensuite à Molina qui part fouiller son passé et celui de son entourage. Les années ont passé, les rancoeurs se sont accrues, la petite bourgeoisie politisée se complait dans son confort au milieu du quart-monde. Les petites gens des petites villes autour du lac sont entremêlés, consanguins, débiles. Parfois, ils ont du fric, ils deviennent maires ou hommes d'affaires, copains-copains.

L'auteur a travaillé son style. Il a choisi ses phrases, son vocabulaire. Il les a tournés dans tous les sens pour trouver la suite de mots qui fera le plus de dégâts, qui remuera le plus de crasse. L'ensemble - l'art pour l'art - peut devenir prétentieux ou trop argotique à mon goût, il n'empêche que Médéline rend par ce biais son récit original, intriguant. Ce texte n'est pas un de ceux qu'on lit en diagonale. Il demande du temps, de l'effort pour s'apprécier, pour goûter au travail de l'écrivain. Toutefois, certains passages sont moins supportables que d'autres. Apostrophes revisitée avec en invité Francisco M.24-29 est amusante sur les deux premières questions. Pas sur sa durée. Là revient cette prétention à être extraordinaire, désagréable, d’autant que Médéline n’a pas toujours l’impact voulu. Sa violence psychologie tombe à plat.
Molina est chiant. Lui et son copain, le vieux flic poivrot, n'ont aucune vraisemblance en tant que policiers. Molina n'est pas le Continental Op, Les rêves de guerre n'est pas White Jazz et Médéline n'est pas encore aussi bon que Manchette. L'automne gris ne fait pas rêver. Il ne m'a pas pris aux tripes. J'ai eu du mal à m'y introduire. Le mélange whisky-poisson-joint est indigeste.

Toutefois, l'auteur développe une intrigue solide et dense à travers un tortueux mélange d'anciens crimes, de corruption, de souvenirs familiaux sordides passant du camp de Mauthausen aux jolies villas du lac Léman.

Les rêves de guerre est un roman noir compliqué et ne doit pas être mis dans toutes les mains. Médéline a effectué un travail remarquable pour l’écrire. Le résultat est hors du commun mais demande autant d’effort de la part du lecteur pour profiter de la musique de ses mots.