Les Chroniques de l'Imaginaire

La reine de la folie (La table des immortels - 1) - Thréhout, Sébastien

Sur les terres d'Ern, Oboss se réveille. Tant que son nom demeure gravé sur la table des immortels, l'humanité reste à l'abri de ses pouvoirs. Elle sera sa première cible. Mais il a bien agencé son retour. Les dirigeants du royaume perdent l'esprit, se divisent. Les princes font sécession, réclamant leurs anciens pouvoirs. Les sorciers se réveillent.
Depuis leur citadelle, les chevaliers sadouraks - les tueurs de mage - s'affaiblissent, gaspillant leurs recrues prometteuses dans des missions suicide. Le retour du maître des mensonges approche.

Commençons immédiatement par les problèmes de ce livre. On peut les regrouper en deux ensembles dont les conséquences se font sentir tout au long du récit. Premièrement, l'introduction prend, grosso modo, les deux tiers du bouquin. Celle-ci démarre mal, le prologue est indigeste. Le lecteur n'est pas plongé dans un univers complexe et nouveau, il y est noyé et, personnellement, si je n'avais pas eu à faire une chronique de ce roman, je n'aurais pas été plus loin.
Une fois l'ennemi immortel présenté et les enjeux esquissés, Asurbias, Dreïal, Guills Baldir et Sable, les véritables acteurs de l'histoire, entrent en scène. Hormis pour le prince Asurbias, le courant ne passe pas vraiment. Étrangement, ce n'est pas à cause des personnages eux-mêmes, ils sont bien construits et plutôt charismatiques. J'ai eu le sentiment désagréable d'être perdu en leur compagnie dans un monde opaque, entourés d'un trop grand nombre de personnes plus ou moins importantes et vaguement introduites, écrasé dans un univers mis en évidence au mauvais moment. De plus, leur accroche initiale manque de tonus, de singularité. L'auteur ne les met pas suffisamment en avant lors de leur première rencontre avec le lecteur.
Cette très mauvaise première impression laissée par Thréhout, on ne la lâche pas avant la dernière page. Chaque nouvel intervenant fait soupirer et on ne fait qu'espérer qu'il laisse l'action se dérouler de manière coulée.

Nous arrivons, ainsi, au second problème. L'histoire s'englue dans son environnement. On s'y sent à l'étroit, gavé, bâillant sur des phrases trop longues composées de manière trop riche. Ceci tue le dynamisme naissant du récit, empêche tout développement de tension dramatique et donne envie de lire le texte en diagonale. Il m'a été impossible d'apprécier pleinement la prose de l'auteur et les aventures vécues par ses protagonistes.

Toutefois, en face de ces mauvais points, on retrouve de très bonnes choses. Au niveau de l'univers, on sent bien que Thréhout a bossé comme un fou dessus et, malgré le fait qu'il essaye de nous le faire entrer dans le crâne à coup de masse cloutée (rouillée), il est consistant, bien pensé, rigoureux. On y reconnaît le passé de rôliste de l'écrivain mais il aurait dû être mieux amené au lecteur.
Ensuite, les personnages valent le coup, ils sont variés, agréables et donnent envie de les connaître. Ils soutiennent une bonne partie du bouquin. Lorsque leurs scènes ne sont pas interrompues par des informations sur les légendes et le passé de l'endroit où ils se trouvent, elles sont vraiment bien fichues et fonctionnent, un peu comme dans le Trône de fer (d'une influence vite reconnaissable, y compris pour la structure en chapitres). Malheureusement, cela ne dure jamais assez longtemps. L'ensemble du texte est, néanmoins, en nette amélioration une fois l'interminable introduction passée.
Enfin, la construction du scénario n'est pas mal du tout. Les histoires des acteurs se croisent ou vont se croiser, ils ont des objectifs qui les rapprochent d'une manière ou d'une autre et cela forme une enquête amusante et enthousiasmante.

C'est donc bien dommage que ce premier tome de La table des immortels soit gâché par une intro poussive à souhait et un style descriptif lourdingue car il est composé de plusieurs éléments pouvant le rendre potentiellement très intéressant.