Les Chroniques de l'Imaginaire

Loar - Henry, Loïc

Asbjorn, le régent de Melen, aspire à dominer l'ensemble des planètes connues. Il y a dix ans, sa conquête s'est vue stoppée net par une défaite face aux royaumes du Ponant. Mais aujourd'hui, il est prêt à prendre sa revanche. Doté d'une arme cataclysmique capable de faire disparaître des planètes entières, Asbjorn impose un ultimatum à Loar : se soumettre ou mourir. Puis ce sera le tour de tous les autres Royaumes insoumis. De nouveaux, les Royaumes du Ponant doivent faire bloc derrière Loar et son tout jeune souverain Emrodes, face aux ambitions de Melen.

Dans l'ombre de ce combat de Titans, la Planète Sainte de Kreis pose ses pions parmi les différents acteurs du conflit pour une domination idéologique totale. Les Planètes Ardentes, elles, cherchent à échapper à Asbjorn en s'alliant aux planètes oubliées de la Périphérie, quitte à passer outre le vieux tabou de la Convention Humaine Universelle concernant les manipulations génétiques. Et derrière chaque dirigeant, un maître stratège Latar et un conseiller politique Spol. Mystérieux et indispensables.

Indifférents à la partie en train de se jouer, les Daofined se préparent à chanter leur cantilène dans les profondeurs des océans de Loar.

Dans les remerciements en prémisse de l'ouvrage, Loïc Henry cite Frank Herbert. Et voilà qu'en une phrase, tout est déjà dit. Car pour ceux qui sont familiers du cycle de Dune, il est très difficile de lire Loar sans avoir constamment à l'esprit l'univers d'Herbert. Les groupes d'influence en particulier sont très inspirés de Dune. Les Latars sont des Duncan Idaho en puissance, le maître d'armes de la maison Atréides ; les Spols sont à mi-chemin entre les Mentas et les Bene Gesserit ; la Périphérie n'est pas sans rappeler les Honorées Matriarche de la Maison des Mères. Et en filigrane, un mystérieux "Sentier d'Or" qu'aucune des factions ne voit se dessiner.
Dan Simmons et son Hyperion ne sont pas très loin non plus et l'ombre de Pacem plane sur la Sainte Eglise syncrétique de Kreis. On retrouve du reste cette même ambivalence entre une hégémonie religieuse puissante mais sclérosée et des cultes clandestins dégénérescents.

Là où le bât blesse un peu plus franchement, c'est dans les enjeux et le rythme du récit. Chaque chapitre commence par un indicateur de temps par rapport à la date de l'ultimatum — par exemple, "Loar, trois jours standard avant la fin de l'ultimatum" — mais le décompte est interminable et l'ultimatum tombe à plat comme un soufflet raté dès les premiers chapitres, ce qui rend le dit décompte complètement inutile. Le style bavard et descriptif de l'auteur n'aide en rien, puisque au lieu de faire vivre l'action, on assiste à une série de discussions, entrecoupées par des focalisations internes grossières et sans grande valeur ajoutée.
Et pourtant, les scènes de combats spatiaux auraient pu être l'occasion de vivre de grands moments d'action. Peine perdue, le récit est vu depuis la place lointaine de la table de commandement Latar. Les morts sont inexistants, on perd seulement des vaisseaux. Les combats sont aseptisés, caparaçonnés par le vide intersidéral de la description analytique, trait que l'on retrouve dans l'ensemble du récit. Tout est un peu trop propre.

Et pourtant, malgré des tensions inexistantes, des ficelles parfois un peu grossières, un style sans grande envergure, on suit d'un œil curieux le récit d'un univers richement construit. Et c'est ici que la filiation presque étouffante à Dune devient un atout. Il est pire référence que celle-ci et c'est aussi la richesse de l'univers qui est présente, de la galerie de personnages et des magouilles politiques qui est reprise.

Petite touche sympathique, l'auteur, en digne représentant du fier peuple breton, nous offre de très beaux passages sur la mer et les Daofined de Loar. On est envoûté par la cantilène de l'auteur à sa terre natale.

Sans être un chef d'œuvre de la science-fiction, Loar se laisse lire avec curiosité et une certaine indulgence pour un adorateur qui s'est fait manger tout cru par l'objet de son adoration.