Les Chroniques de l'Imaginaire

Le dossier Odessa - Forsyth, Frederick

Nous sommes à Hambourg au début des années soixante. Peter Miller, un reporter à succès, suit son instinct et se colle derrière l'ambulance, sirène hurlante, qui le dépasse.
A l'arrivée, une ruelle insalubre, un appartement miteux, un suicide au gaz. Le vieil homme s'appelait Salomon Tauber et, avec un coup de main d'un copain policier, Miller met la main sur le journal de Tauber, un rescapé du ghetto de Riga.
Pour un jeune journaliste en RFA et au lendemain de l'assassinat de Kennedy, ce n'est pas vraiment un sujet digne d'un article. Mais par curiosité, Miller lit le folio dactylographié et, sur les dernières pages, il apprend que Tauber s'est donné la mort après avoir revu son bourreau, le capitaine S.S. à la tête du ghetto letton, un boucher responsable de la mort de dizaines de milliers d'Allemands, de juifs et de Slaves.

Écrit au début des années soixante-dix, ce thriller est une terrible mais particulièrement intéressante réflexion sur le passé de l'Allemagne. Que sont devenus ces S.S., officiers ou simples soldats, qui ont fui ou disparu juste avant l'arrivée des Alliés ? Une partie a embarqué pour le soleil d'Espagne, d'Argentine ou d’Égypte. D'autres sont revenus dans leurs villes et villages sous une nouvelle identité et ont repris leur ancienne profession, qu'ils soient avocats, boulangers ou entrepreneurs.

Forsyth utilise le réseau Odessa. Il sera l'un de ceux qui va populariser ce mythe pour expliquer le départ, l'assimilation des S.S. et leur infiltration dans toutes les couches de la société civile de nos voisins allemands. Le dossier Odessa reste un roman, un ouvrage arrangé, donc pas forcément correct avec l'Histoire bien que l'auteur intègre parfaitement des éléments historiques et documentaires dans son récit.

Son personnage principal se précipite dans une machine aux engrenages aiguisés et noyés dans le déni de la société. Ce bouquin est un récit entraînant au doux parfum de roman d'espionnage des années soixante-dix. L'histoire se développe rapidement, la tension prend et on s'amuse.
On peut, simplement, regretter une bonne dose d'inconscience de la part de Miller dont le comportement est limite suicidaire. En parallèle, certains événements du scénario sont simplistes, que ce soient un gros coup de chance sorti de nulle part ou des sauts narratifs entre une situation et une autre sans que Forsyth s'embarrasse du comment. Ces quelques défaut dégradent toutefois peu la qualité principale de ce livre.

Le dossier Odessa est un divertissement, une histoire romancée intelligente et captivante. Il faut le prendre tel quel.