Suite à l'échec de leur coup de force contre Eloane, les Terriens ont dû accepter de se plier à la demande de la station spatiale géante : reprendre la terraformation de Mars. Celle-ci, commencée deux siècles auparavant, avait été brutalement interrompue suite à une série d'accidents dont les circonstances restent assez obscures. Depuis un an, les travaux ont donc repris, mais si les investissements sont colossaux, les résultats attendus sont pour le moment peu sensibles, puisque le travail doit s'étaler sur des dizaines d'années avant que Mars devienne réellement habitable.
Cependant, au sein du Consortium terrien, tout le monde n'est pas d'accord sur la politique à suivre désormais. Dans ce nid de serpents, les puissants manipulent et complotent tout autant les uns contre les autres que contre Eloane ou les Spatieux. C'est ainsi que Jeremy Addington, jeune ambitieux désireux de faire ses preuves, se voit confier une mission officieuse : il doit comprendre pourquoi le programme de terraformation souffre de retards et quels buts poursuivent ceux qui orchestrent ceci.
De son côté, la jeune Maureen O'Garret voit enfin le bout de son contrat à bord de l'Améthyste, qu'elle n'est pas mécontente de quitter tant ses relations avec les Trajan étaient tendues. Bien décidée à devenir officier pour commander un jour son propre vaisseau, elle accepte un boulot sur Mars, qu'elle pourra attaquer après quelques jours de travail comme apprentie - histoire de payer son passage - sur le Cristal. En attendant, elle dispose de quelques heures de relâche sur Eloane, qu'elle compte bien partager avec son ami Richard et leurs robots respectifs, des I.A. quasi aussi évoluées que des humains...
J'avais beaucoup aimé le premier volume de cette saga spatiale et j'ai trouvé celui-ci tout aussi bon, voire plus. Il me semble également plus mâture, plus à même de séduire un public adulte.
L'univers dans lequel on évolue, à moins de deux siècles dans notre futur, reste plutôt réaliste. La conquête de l'espace a eu lieu, mais est encore limitée à notre système solaire. Pour autant, on sent bien les mentalités avoir évolué, pour donner lieu à des groupes aux intérêts divergents : la Terre d'un côté, où les corporations sont toutes puissantes, un endroit pas très réjouissant mais guère difficile à imaginer tant cela semble la conséquence naturelle de notre présent ; les Spatieux, groupes familiaux individualistes obnubilés par leur survie et qui ont développé leur propre culture ; et entre les deux, les Lagrangiens d'Eloane, idéalistes qui essaient d'équilibrer la balance sana vraiment y réussir.
La vie dans l'espace (ou sur Mars ou Eloane) est bien décrite, avec beaucoup de détails réalistes qui nous aident à nous projeter dans ce contexte, mais sans tomber dans le travers de l'avalanche d'explications scientifiques abrutissant le lecteur.
L'intrigue est assez touffue, avec plusieurs fils qui s'entremêlent pour former une toile complexe mais qu'un peu de concentration suffit à appréhender. Si la politique est omniprésente, on a également beaucoup d'action et de rebondissements, ou de temps plus calmes où l'on prend plaisir à suivre les personnages dans leurs activités exotiques. Bref, c'est bien dosé, et hormis quelques passages un peu longs notamment au début avant qu'on rentre vraiment dedans, on n'a pas le temps de s'ennuyer.
Maureen a mûri et est bien moins tête à claque que précédemment, même si elle ne prend pas toujours les bonnes décisions. Il faut dire que d'ailleurs, dans l'ensemble, aucun personnage n'est vraiment tout noir ou tout blanc, et chacun participe à créer la situation telle qu'elle va advenir. Si on retrouve d'autres personnages de l'opus précédent, on aura cependant surtout affaire à de nouvelles têtes, plus adultes d'ailleurs.
Si vous vous demandez si vous pouvez lire Les ombres de Torino sans avoir lu Les Pousse-pierres, je dirais que ça doit être possible (les intrigues sont distinctes, et des rappels sont faits) mais que ce serait quand même dommage de vous priver de lire les deux à la suite : vous en profiterez bien mieux.
Voilà donc un space opera bien sympathique, fort agréable à lire et que je recommande sans hésiter à tous les amateurs.