Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 199)

Comme le dit Jean Pettigrew dans son éditorial, c'est encore un numéro chargé, bien dense comme on aime.

Le volet Fictions est ouvert (à tout seigneur tout honneur) par la nouvelle lauréate du Prix Solaris 2016, Éclairer l'origine, de Eric Gauthier, qui raconte l'histoire d'un touriste québécois provisoirement installé en Serbie, où il fait une rencontre inattendue et vertigineuse.
Originale et bien écrite, il n'est pas surprenant que à cette histoire ait été primée. La plume de l'auteur est toujours inspirée, et de qualité, même si je dois dire que je ne suis pas "entrée" dans l'histoire, pour ma part.

Familier maudit, de Tania Duquette : que faire quand on a un familier dont on ne veut pas ? Simple, il suffit de le refiler à quelqu'un d'autre !
Ce texte court, lauréat du prix d'écriture sur place au congrès Boréal, catégorie auteurs montants, est une petite perle sympathique, vif et drôle. Je ne manquerai pas de guetter le nom de son auteure, dorénavant.

Les hiboux virtuels du réseau infini, de Hugues Morin, est impossible à résumer. Ce texte cyberpunk au ton allègre fait carrément froid dans le dos. Rien d'étonnant à ce qu'il ait obtenu le prix d'écriture sur place au congrès Boréal, catégorie auteurs professionnels.

La chambre, de Julie Martel : Bon sang, vider une chambre d'enfant ne demande pas de compétences particulières, ni tant de mises en garde ! Pas habituellement, certes, mais Beldris Movent aurait dû prêter davantage attention aux craintes de Lady Elisa.
On sent dès le début que cette histoire va mal finir, et on n'est certes pas déçu par cette très bonne histoire d'horreur, à la progression très bien maîtrisée.

Je ne voterai pas, de Dave Côté : Dans un monde où le vote n'est plus un droit, mais un "devoir citoyen", il faut bien de la persévérance et du courage pour s'abstenir.
Sans conteste ma nouvelle préférée dans ce numéro, cette dystopie très sympathique décrivant un monde absurde, qui fait à la fois rire et frissonner, par ses excès (le "régime" des sans emplois est le premier exemple qui me vienne à l'esprit, mais il y en a plein d'autres) et sa vraisemblance au second degré.

Adieu, Laurentie !, de Jean-Pierre Laigle, clôture le cycle de nouvelles paru dans plusieurs numéros de Solaris (souvenez-vous de Mon journal durant la drôle de crise, dans Solaris 177 et Solaris 179 et de Ô Laurentie dans Solaris 187 et Solaris 196). On y assiste à la fin de la guerre, avec des détails sur l'état d'un monde futur possible. Celui-ci est cohérent, plausible, et cela rend ces textes fort intéressants à lire.

Réalité, mémoire et doute, de Christopher Priest, reprend le texte de l'intervention donnée par l'auteur britannique lors du congrès Boréal. Ce texte est tout à fait passionnant, par les interrogations qu'il soulève, d'une part, et d'autre part par ce qu'il révèle du processus d'écriture de l'auteur et de ce qui le sous-tend.

La seconde partie de l'article intitulé Lâcheté, paresse et ironie : comment la science-fiction a perdu le futur, de Jonathan McCalmont, toujours documenté, et de ce fait aussi intéressante que la première, souffre hélas, à mon avis, du même défaut, ce qui est assez ironique. En effet, l'auteur souligne à plusieurs reprises que la littérature de SF est principalement écrite par des mâles blancs occidentaux, mais il semble limiter ses lectures à l'anglais, et cela affaiblit singulièrement son propos.

Il semble d'ailleurs que les Carnets du Futurible de Mario Tessier, intitulés pour ce numéro L'anticipation climatique (cli-fi) ou l'éco-fiction, lui apportent une réponse bienvenue, en montrant que, si le réchauffement climatique, avec les catastrophes naturelles qu'il entraîne, est le présent, et surtout le futur probable, de la planète, les auteurs de SF y ont répondu et y répondent par une littérature engagée et de qualité, autant à présent que dans le demi-siècle précédent.

Comme d'habitude, Les littéranautes et la rubrique Lectures donnent des pistes intéressantes. J'y ai notamment vu avec intérêt Les petites fées de New York de Martin Millar, dont des amis me recommandent la lecture depuis longtemps, mais que cet article me pousse à lire sans atermoyer davantage !

En somme, une autre parution dense de la revue, en attendant le n° 200 !