Melina, Grace, Julia sont de parfaites épouses américaines comme on en attend d'elles à la fin des années 50 dans leur maison proprette de l'Adler avenue. Cuisiner, laver, repasser, faire le jardin, papoter, être l'épouse modèle, attendre son petit mari qui rentre du boulot et faire preuve de charité en organisant à qui mieux-mieux des actes volontaires en pensant à son prochain. Quelle belle Amérique ! Ce petit monde parfait est attirant, n'est-ce pas ?
Foutaises ! Les maris ne sont pas aussi parfaits que cela ; les épouses cherchent à l'être et cachent leur souffrances, cachent leur mal-être, leur jalousie, leur folie et même leur mari violent. Ils sont au fond comme tout le monde, ces chers Américains des suburbs de classe moyenne.
La charité, baliverne ! Certes, des actes le prouvent mais quand il s'agit d'accueillir dans leur quartier une résidence offrant un logis aux noirs, il ne faut pas se mélanger. Cinquante-huit ans ont passé, et rien ne change. L'actualité de 2016 le prouve.
Et quand Elizabeth, une des jeunes filles, un peu attardée, faisant partie de cette communauté accomplie disparaît, on montre du doigt ces Afro-américains. D'accord, ils sont loin d'être irréprochables, surtout vis à vis de Grace victime d'une agression, mais il vaudrait mieux balayer devant sa porte avant d'accuser ceux que l'on aime pas. Tout le monde part à la recherche d'Elizabeth, tandis que de l'autre côté, il y a moins d'esclandre quand une jeune fille noire est retrouvée morte. Là, on ne s'en préoccupe pas.
Lori Roy écrit ce roman dans une atmosphère pesante. On y ressent la tension montante entre les deux communautés : noire et blanche. Elle a le don aussi de nous décrire toutes les pensées tortueuses de ses personnages. La vie monotone, presque monacale de ces femmes, dépendantes de leurs époux, ne donne pas envie au final. Côté communauté noire, Lori Roy, ne fait pas dans la dentelle non plus, car les femmes de couleur y sont relatées de sorte que nous pouvons également voir leurs difficulté à vivre et à s'intégrer. Certes, nous sommes loin de Wisteria Lane, où les Desperate Housewives vont bon train, mais les problèmes de vie en société ne restent-ils pas les mêmes ?
La tension montante tout au long du livre fait qu'on ne peut décrocher de notre lecture. Lori Roy est sensationnelle dans son écriture, on angoisse en même temps que nos personnages, on est soulagé quand il le faut. En bref, un pur moment de plaisir, avec cette lecture fine et exquise.