Les Chroniques de l'Imaginaire

La délicatesse - Bonin, Cyril & Foenkinos, David & Bonin, Cyril

Une histoire d'amour commence toujours par une conversation. Un moment particulier dont on se souvient toute sa vie. Un moment où il ne faut pas se louper, tant la moindre expression est décryptée et peut conduire au fiasco... Pourtant, tout se passe bien ce jour-là entre Nathalie et François... Il l'a accostée en pleine rue, et lui a tenu des propos qui ont fait mouche. Après une minute, elle a souri et a accepté de prendre un verre avec lui. Et puis, deux années ont passé, et le bonheur est toujours présent, alors que Nathalie et François ont démarré leur vie professionnelle. Oui mais voilà : un matin, François est fauché alors qu'il faisait son jogging dans la rue. Il meurt rapidement, après quelques heures de coma...

Alors, bien entendu, Nathalie est effondrée. Elle ne parvient pas encore vraiment à réaliser l'horreur de la situation. Elle reste sur des impressions, des souvenirs qui la suivront longtemps, notamment le fait de ne pas se souvenir des dernières paroles échangées avec François... Après quelques semaines, Nathalie écoute les gens qui l'entourent et reprend son travail, histoire de remplir ses journées. Et ce, à la grande joie de son patron, qui est amoureux d'elle depuis le début de la carrière de Nathalie...

Mais Nathalie ne voit rien, n'entend rien, aveuglée qu'elle est par son métier, les heures qui s'enchaînent, les horaires qu'elle oublie de regarder... Cela fait maintenant quelques années qu'elle met toute son énergie dans son travail, à ne certainement pas penser à entamer une nouvelle relation. A s'empêcher de vivre, d'une certaine manière...

Et puis, il y a Markus, un collègue de Nathalie, suédois de son état. Markus n'est pas attirant, physiquement. Un être qui a tout de quelconque, y compris dans sa façon de se tenir, ou de s'habiller. Mais voilà : Markus est passé voir Nathalie, qui est sa supérieure hiérarchique, à un moment où elle était ailleurs. Nathalie, la femme magnifique, l'a embrassé, sans crier gare. Et ce souvenir obsède Markus, à présent... Hors de question pour lui de ne pas avoir d'explication. Hors de question de ne pas se donner une chance, à lui. Et à Nathalie...

Cyril Bonin n'en est pas à son coup d'essai chez Futuropolis, notamment avec La belle image, ou encore les deux tomes de Amorostasia (qui est d'ailleurs en cours d'adaptation au cinéma). Les ouvrages cités étaient déjà l'occasion de découvrir des histoires pleines d'humanité. Des tranches de vie dont on ne sort pas indemnes, un peu comme dans les histoires de Jim (Une nuit à Rome, L'invitation, Une petite tentation, Un petit livre oublié sur un banc...). Ce n'est pas La délicatesse, adapté du roman de David Foenkinos, qui échappera à la règle...

On retrouve ici encore une fois un dessin rempli d'une grande sensibilité. C'est beau, détaillé, presque poétique, et le lecteur ne pourra qu'être frappé par la beauté et la fragilité de Nathalie. Une fille que l'on rencontre jeune, qui est empreinte d'une froideur professionnelle savamment dosée, et qui redevient un être empreint d'humanité, sous notre regard.

Le tout est parfaitement réussi et maîtrisé, avec des couleurs qui savent se faire discrètes, tout en mettant en valeur les magnifiques expressions qui rendent tous ces personnages crédibles et attachants. Une tranche de vie d'une grande sensibilité, et d'une grande délicatesse, à mettre entre toutes les mains !