Martine Laverdure est loin de se douter de ce qui va lui arriver dans les prochaines heures. La dame d'une cinquantaine d'années est caissière dans un supermarché. C'est une bonne caissière, sans histoire, mais sa direction trouve qu'elle est légèrement trop lente pour bipper les articles. Quelques minutes de perdues par semaine, qui feront toute la différence sur la vie de Martine... Elle est surveillée par des espions qui la fixent toute la journée, et qui mettent en évidence une relation qu'elle a avec un certain Jacques Chirac, un black immense.
Or, le règlement du magasin est clair : les relations entre salariés sont interdites. Enfin, la direction tient son excuse bidon pour virer Martine Laverdure. Mais les choses seront loin de se dérouler comme prévu... Jacques Chirac va s'en prendre aux vigiles, et Martine Laverdure va faire une chute, qui va la tuer sur le coup... De quoi nourrir dès à présent le désir de vengeance des quatre fils de Martine Laverdure. Quatre êtres au banc de la société, qui viennent encore de faire un lourd braquage sanglant. Quatre loups...
Oui, au sens propre du terme ! Car Le temps des sauvages, adaptation du roman Manuel de survie à l'usage des incapables, de l'auteur belge Thomas Gunzig, est un livre qui ne se limite pas qu'aux visions étriquées d'un magasin qui se livre à la grande consommation, au sens large... Ici, Sébastien Goethals dote ses protagonistes de pouvoirs issus du monde animal, entre les loups (tous avec des caractères bien différents), le serpent pour la jolie compagne d'un vigile, et la loutre pour la non moins jolie fille chargée par sa société d'étouffer l'affaire.
Mais les loups sont des êtres sans foi ni loi, qui ne sont pas toujours réfléchis. Ils se sont mis en tête de massacrer tous les responsables de la mort de leur mère, et ils feront tout ce qu'ils pourront pour parvenir à leurs fins. Même si cela doit faire des dommages collatéraux. Même si l'attaque violente doit avoir lieu alors que le magasin sera bondé, en plein jour...
Le parti pris de Sébastien Goethals est plus qu'intéressant. Ces pouvoirs animaux surprennent dans un premier temps, mais rendent finalement vite les personnages plus complexes, et donc plus attachants et intéressants à suivre. Un choix qui s'avère payant, notamment pour donner des armes à des gens finalement assez primaires, devant les hordes d'avocats qui défendront les intérêts d'une multinationale qui ne pense qu'au profit... Par ailleurs, ce côté fantastique est loin d'être déplaisant...
En cela, les dessins sont eux aussi parfaitement réussis : c'est épuré, parfaitement colorisé et plein de mouvements. Les expressions sont également très bien rendues, et rendent les personnages crédibles à souhait.
Le temps des sauvages est une adaptation réussie, intelligente, et qui fait réfléchir sur nos propres modes de communication. Pourquoi s'en priver ?