Chic, un beau gros numéro de ma revue préférée ! Il faut dire qu'un 200e numéro, ça se fête, et celui-ci est donc exceptionnel. Pour ma part, je sais déjà où je vais le stocker précieusement dans ma bibliothèque, d'une part parce qu'il est collector, et d'autre part parce que je sais déjà que j'aurai envie de relire tout son contenu, à un moment donné. En tout cas, voici mon avis détaillé :
Au bout du couloir, d'Eric Gauthier : à Paris pour y étudier les fantômes, et notamment une mystérieuse promeneuse aux chiens, Marie-Véronique devient plus impliquée que quiconque ne le souhaitait.
La progression très maîtrisée de l'histoire, les échos entre présent et passé, son atmosphère toute en demi-teintes et l'originalité du monde font de cette nouvelle l'une de mes préférées. Je précise qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu Montréel pour l'apprécier, même si elle se déroule dans le même univers, et que l'on en retrouve un personnage.
Fata Morgana, d'Ariane Gélinas : Harline est matelote sur un bergship alors qu'une guerre fait rage, et elle assiste par hasard à l'arrivée d'un prisonnier. Curieuse, et anxieuse de possibles informations sur le devenir de sa famille, dont elle est sans nouvelles, elle va l'interroger.
Une bien belle histoire de rencontre, et qui m'a de surcroît appris ce qu'était un bergship. Pour les autres curieux, j'ai trouvé ce site.
Le guerrier aveugle, d'Yves Meynard : Kurave récompense ceux de ses guetteurs qui la préviennent en premier de ce qui vient, mais c'est toujours le même poste de guetteur, mieux équipé, qui est récompensé. Rien d'étonnant à ce que le jeune Dolorian rêve de s'illustrer. Mais "prends garde à ce que tu souhaites...".
Entre post-apocalyptique et épique, cette belle nouvelle, classique dans sa facture, est très réussie.
Tous à Laval ! de Hugues Morin : dans ce monde tout près du nôtre, les difficultés économiques et les ravages climatiques portent les États au point de rupture, et de plus en plus de villes souhaitent devenir des cités-états. Sans compter ces structures édifiées à l'usage exclusif, avoué ou non, des plus riches.
Une image tout à fait crédible d'un avenir possiblement proche, une narration aux limites de l'espionnage, l'une de mes préférées. Suis-je la seule à avoir entendu dans le titre un écho de Brunner ?
200, de Francine Pelletier : que font des chiffres arabes sur Novalliance, où les humains n'étaient jamais venus ?
Avec son humour en demi-teinte, et sa discrète originalité, cette nouvelle au retournement de situation final inattendu m'a beaucoup plu.
Le masque et le châle, de Daniel Sernine : il peut être dangereux d'explorer de vieilles maisons abandonnées, on ne sait jamais ce qu'on peut y réveiller.
La seule nouvelle fantastique, par un maître québécois du genre.
Les livres sacrés de Saint-Mateur, de Mario Tessier : les Croisades n'ont pas d'âge, au sens où elles sont toujours d'actualité. Et n'importe quel support écrit peut devenir un Livre Saint.
Une autre nouvelle que j'ai beaucoup aimée, avec sa chute totalement inattendue et son humour.
L'arracheur de langue, de Jean-Louis Trudel : les gens qui parlent font bien du bruit. Quand on leur arrache leur langue, c'est beaucoup plus paisible.
Dans cette nouvelle imaginative et magnifiquement construite, l'auteur interroge la tentation humaine de "ranimer" des espèces disparues.
Le printemps de Krijka, d'Elisabeth Vonarburg : Sigrid ne savait pas quand elle a accepté sa mission qu'elle plongerait sous les ordres de son père, avec qui elle est brouillée depuis des années.
Un texte très reconnaissable, par l'écriture et les thèmes de l'auteure, qui comme toujours réussit la performance fascinante d'écrire toujours à la fois la même histoire et une autre.
Dans ses Carnets du Futurible, Mario Tessier nous propose un DIY très particulier, puisqu'il a intitulé son texte Reconstruisez la civilisation vous-même. C'est, comme d'habitude, à la fois passionnant et instructif, et j'ai admiré l'art avec lequel il s'est débrouillé pour finir de la même façon son article... et sa nouvelle ! Il est vrai que c'était le numéro idéal pour ce faire.
Comme toujours, les Littéranautes et la rubrique Lectures sont des mines. En ce qui me concerne, je ne saurais être davantage d'accord avec Josée Lepire à propos de Station Eleven, et les ouvrages critiqués par Pierre-Alexandre Bonin excitent indubitablement ma curiosité. Quant à la rubrique Sci-néma, elle n'est disponible qu'en version électronique à l'adresse www.revue-solaris.com.