Les Chroniques de l'Imaginaire

La miséricorde de l'ancillaire (Les chroniques du Radch - 3) - Leckie, Ann

Breq a réussi à mettre en échec ses adversaires les plus évidents sur la station Athoek (notamment la capitaine Hetnys qui avait tenté de l'assassiner), mais tout n'est pas réglé pour autant. La station est surpeuplée suite à l'évacuation des Sous-Jardins, or les manœuvres politiques des autorités religieuses retardent la reconstruction.

En attendant, l'inspection minutieuse des lieux a déniché - en lieu et place des dizaines de personnes non autorisées que craignaient la gouverneur Giarod - un unique individu suspect, mais dont la présence n'est pas anodine : Breq l'identifie rapidement comme un ancillaire du vaisseau notaï caché dans le Système Fantôme, le Sphène.
Comme si cela ne suffisait pas, un autre individu se présente inopinément sur la station : Zéiat, un nouveau traducteur Presger venu voir ce qu'il est advenu de son prédécesseur. Un être de fort bonne volonté, mais qui n'a d'humain que la forme et se révèle fort délicat à manier.

J'attendais impatiemment ce roman qui clôt la trilogie des chroniques du Radch, je n'ai vraiment pas été déçue. Breq est toujours au centre de l'histoire, mais reste entouré de personnages que l'on prend plaisir à suivre. Le ton est plus intime, on rentre bien dans la peau des personnages. On apprécie ainsi les interactions de l'Intelligence Artificielle esseulée avec son Vaisseau, le Miséricorde de Kalr, qui commence à affirmer sa personnalité, ou avec l'énigmatique Sphène, qui n'en dit pas beaucoup mais dont on apprécie les remarques caustiques. Sans parler du traducteur Presger, qui assure une dose d'humour par la manière décalée dont elle appréhende les coutumes humaines.

Les questions que l'on se posait précédemment trouvent leur réponses. La guerre civile entamée par Anaander Mianaaï, la toute-puissante Maître du Radch, contre elle-même reste d'actualité, mais moins brûlante pour Breq et ses proches. Car Ann Leckie a su jouer de tous les éléments qu'elle avait glissés dans son récit jusque là pour nous concocter une fin explosive, qui accumule les claques à toute vitesse et m'a laissée ébahie... et ravie de son ingéniosité. Il y a certes quelques facilités (la manière dont s'en sort Queter, par exemple) mais pour l'essentiel c'est fort bien pensé. La fin est à la fois satisfaisante en soi et assez ouverte pour permettre de continuer à explorer cet univers dans d'autres romans, si l'auteure le souhaite ; pour ma part, ça ferait mon bonheur !

A noter que les fautes volontaires d'accord et de genre, si troublantes au début de la trilogie, ont fini par faire partie du décor. D'autant qu'une logique se dégage finalement (bien aidée en cela par une discussion entre Breq et Sphène page 238) : si les noms sont toujours au masculin, ils s'accordent par contre au féminin pour montrer qu'il s'agit d'une personne, ou restent au neutre (masculin, donc, pour nous) quand il s'agit d'une I.A. Une fois habitués, on ne s'en rend plus vraiment compte.

Pour tous ceux qui ont aimé les deux premiers romans, courez acheter ce dernier, vous ne le regretterez pas. Pour moi en tout cas, cette trilogie a été une de mes plus belles découvertes ces derniers temps.