Les Chroniques de l'Imaginaire

Les zinzins d'Olive-Oued (Les Annales du Disque-Monde - 10) - Pratchett, Terry

Dans les ruelles sombres d'Ankh-Morpork se cachent d'étranges personnages (ça arrive encore). Ils sont humains, normalement proportionnés et détestent la magie. Les mages le leur rendent bien, à ces vulgaires alchimistes ! Des fous dangereux, toujours à deux doigts (manquants) de la mort, rarement avec leurs sourcils (originaux) et fréquemment plus sales que des mineurs.

Or, il est des fois où ces gens produisent des choses impressionnantes. La dernière vaut son pesant d'or. L'octocellulose est un film transparent et fin (aussi hautement explosif, c'est un peu leur marque de fabrique). On le place dans une boîte, on met des diablotins armés de pinceaux derrière et on pointe le tout dans la direction choisie en criant "action" ! Et, boum, on a un clic.
Ankh-Morpork n'est, toutefois, pas le lieu idéal pour tourner des images animées, la faute à la lumière. Par contre, les séances gratuites font le plein et il pleut des vocations parmi les spectateurs ébahis, qu'ils soient étudiants à belle gueule, jolies fermières ou businessman (la saucisse, c'est du passé, mon gars).
Le lieu de tournage idéal se trouve sur la colline reculée d'Olive-Oued. Une grande dune de sable perdue près de la mer où l'ensoleillement est garanti. Son dernier habitant est mort, c'était le gardien d'un vieux truc oublié. Aucun problème de voisinage.

Vous l'aurez compris, ce dixième volume des Annales du Disque-Monde retrace le début de l'industrie cinématographique. La foule adore, les producteurs créent la pub. Les gens encensent les acteurs et actrices plus beaux les uns que les autres, les producteurs créent les premières en ville. Les bons citoyens se rendent en famille dans une salle obscure pour rire et trembler devant des scènes d'action palpitantes et drôles, les producteurs leur vendent des grains sautés trempés dans le sel et le beurre.
Au pied de la colline, Pratchett nous propose également les débuts de Ridculle comme archichancelier, des beautés aux poses lascives et (au moins) mille éléphants. Les lecteurs connaissant bien le début d'Hollywood et ses premières figures (deMille, Lassie, Casablanca...) s'y retrouveront et s'amuseront beaucoup dans ce mélange enjoué. La force des images et son pouvoir de persuasion sont, bien sûr, à l'avant-plan, ce qui donne pas mal de dialogues épicés autour du fameux Planteur J.M.T.L.G et son bataillon de neveux.

Toutefois, n'étant pas le plus fin connaisseurs de cette période dans ce média, j'ai eu quelques difficultés à me plonger avec le plaisir habituel dans ce roman, qui souffre, en outre, de plusieurs défauts.
Premièrement, son rythme en dents de scie est perturbant et le scénario donne l'impression d'être maladroitement agencé. Malgré la fin spectaculaire et prenante, la tension s'effondre trop souvent au changement de points de vue dans la narration. En particulier, lorsqu'on passe chez les mages.
Ensuite, les acteurs manquent de charisme (à l'exception des habituels Ridculle et bibliothécaire). Ils sonnent creux et sont assez oubliables.
Enfin, troisièmement, l'aspect animaux parlants sortis du Magicien d'Oz est lourdaud et je pense que Pratchett a trop mis ceux-ci en évidence, au lieu de donner plus de profondeur à Victor et Ginger, ainsi qu'à la menace bien lovecraftienne qui se réveille sous Olive-Oued.

Bref, ces Zinzins de l'Olive-Oued n'est pas mon favori des Annales du Disque-Monde. Certes, il est loin d'être mauvais et possède les qualités de base de tous les romans de Pratchett mais on est plus proche d'un Eric moyen que d'un Trois soeurcières fabuleux.