Ravagée par une crise économique sans précédent, l’Amérique jette sur les routes des milliers de nouveaux pauvres, transformant peu à peu d’anciens quartiers de banlieue chic en bidonvilles entre sauvagerie et désespoir. Au seuil de l’Apocalypse, voici venu le temps des prophètes et des visions, des orateurs et des imposteurs, du grand rédempteur et du grand éradicateur. Mais cette Apocalypse est invisible, elle sourde de la masse des invisibles, des laissés-pour-compte, de ces marginaux que l’Amérique abandonne. Parmi les Hobboes, deux camps s’affrontent : les Fomoroï et les Sheltas. Le Chaos et la Rédemption. Au sommet de l’Amérique, les élites cherchent encore à contrôler la grogne sans voir qu’il s’agit d’une révolution.
Raphaël Banes est professeur de sociologie et de sciences politiques à la prestigieuse université de Cornell. Un nanti en somme. Pourtant, son habitude de nager à contre-courant va le jeter à corps perdu dans un road-trip à travers l’Amérique à la rencontre d’un destin que personne n’aurait pu imaginer.
Envoûtant, lyrique, cynique, sordide, diablement intelligent, ce roman atypique avale le lecteur dès les premières lignes pour ne le recracher qu’au point final, hagard et désorienté, comme sorti d’une transe mystique. Philippe Cavalier revisite l’Apocalypse de Jean avec une intelligence et une modernité qui frise la cruauté tant on sent qu’il ne faudrait qu’une étincelle pour que cela se produise dans le monde réel, mais cette fois, sans les prophéties qui pourraient encore nous sauver la mise ou renforcer notre pénitence.
Loin d’être un roman manichéen, le bien et le mal laissent leur place à la complexité du mépris, de l’espoir aveugle, de la rage, de l’exaltation sans jamais tomber dans la caricature. L’univers et les personnages sont complexes et oscillent toujours entre toutes les facettes de ce prisme crépusculaire que Philippe Cavalier fait tomber sur l’humanité.
Croisement entre mythologie noire de crasse, inspirée de l’univers du roman noir américain, d’un David Goodis ou d’un John Steinbeck, et roman dystopique post-apocalyptique, comme La Route de Cormac McCarty ou Ravage de Barjavel, Hobboes est un roman sauvage, à la fureur à peine contenue, à la violence exaltée d’une révolte réelle face à un monde sans queue ni tête.
Le travail sur les personnages, sur les ambiances, la capacité à jongler entre différents récits à priori complètement indépendants qui convergent tous inéluctablement vers un même point, l’habileté des discours intellectuels ou mystiques, tout chez Philippe Cavalier est parfaitement maîtrisé au point qu’il devient difficile de parler du roman sans gâcher la lecture de l’autre. Alors n’hésitez pas une seule seconde, foncez vous procurer Hobboes et vivez l’expérience d’un livre rare qui vous marquera au fer rouge.