Ce recueil totalise quarante-quatre nouvelles différentes dont l'une, la dernière L'Enfer, est de loin la plus longue avec pas moins de soixante pages. Le point commun à la plupart de ces textes est l'irruption du fantastique dans un univers plus ou moins semblable au nôtre. La comparaison pourrait cesser là tant les histoires apparaissent comme diverses. Ainsi, Le K, qui donne son nom à l'ouvrage, ouvre le récit et s'inscrit dans la lignée des contes traditionnels : un marin, poursuivi par un monstre légendaire, le terrible K, le fuit jusqu'à l'aube de sa mort. Quelques pages plus loin, l'auteur évoque la solitude d'une femme âgée dans Le Chien vide ou nous livre le résultat d'exercices narratifs réalisés lors d'un congrès littéraire fictif avec Progressions. Certaines nouvelles prennent également des accents autobiographiques, comme Les Deux Chauffeurs dans laquelle un homme sur le point d'enterrer sa mère s'interroge sur les conversations des chauffeurs du corbillard.
L'auteur, Dino Buzzati, dont le premier amour a toujours été de son propre aveu sa carrière de journaliste, s'est vu critiquer son style peu académique. Ce recueil est de fait écrit dans un style léger, fluide et accessible, parfois en décalage total avec les sujets qu'il traite, bien plus graves. Certaines nouvelles marquent par leurs thématiques intemporelles : la recherche de l'être aimé, la soumission ou la mort par amour, le passage du temps et ses luttes générationnelles, les contraintes de la vie professionnelle. Pourtant, la plupart nous renvoient fortement à l'époque de leur écriture, au moment des Trente Glorieuses, en Italie : les racines de la Seconde Guerre Mondiale, la crainte d'une Troisième guerre liée à la guerre froide, la course à la consommation et la difficulté de conjuguer une vie professionnelle de plus en plus effrénée à sa vie familiale.
La lecture de ce recueil a été pour moi une expérience plaisante mais surtout engageante. Le format relativement court des nouvelles évite toute lenteur et permet de revenir picorer celles ayant le plus plu. Je ne connaissais pas l'auteur et malgré les critiques que ses contemporains ont pu émettre sur ses compétences d'écrivain, son style d'écriture m'a conquise. Si j'ai personnellement été moins touchée par les nouvelles les plus ancrées dans leur époque et lieu, je retiens plus particulièrement les nouvelles les plus malicieuses interrogeant le caractère abscons de l'être humain et de ses obsessions.