Brendan Doyle, universitaire américain spécialiste de l'énigmatique poète William Ashbless, se voit proposer un poste fort atypique : guide touristique et caution littéraire d'une rencontre avec Samuel Taylor Coleridge dans le Londres de 1810. En acceptant cette mission, il se retrouve non seulement piégé au XIXe siècle bien loin du confort moderne mais surtout la proie d'une secte millénaire de magiciens égyptiens, d'un serial killer et même d'un clown. Il peut heureusement compter sur l'aide d'un jeune mendiant au passé trouble, Jacky, et même des fameux Coleridge et Byron. Au fil des deux livres que composent ce roman, Brendan va vivre toute une série de péripéties, certaines l'entraînant même plus loin dans le passé ou sur un autre continent, et devoir changer d'identité à de multiples reprises.
Le lecteur n'a pas le temps de s'ennuyer au cours de ces aventures. Le rythme ne faiblit jamais malgré l'épaisseur de l'ouvrage. On s'interroge à chaque instant sur la prochaine grande révélation, le prochain retournement de situation et sur la manière dont le pauvre Brendan va bien pouvoir s'en sortir. Le héros est un homme ordinaire. Il ne possède aucun talent particulier sinon sa parfaite connaissance de la littérature anglaise et sa ténacité. Il est entouré de toute une panoplie de personnages secondaires, rencontrés, perdus et retrouvés au gré des événements.
Vous l'aurez compris, ce livre est avant tout un roman d'aventure. Il va cependant plus loin par la richesse de son univers. L'auteur confère une profondeur à son récit par son sens du détail : les références culturelles, et notamment littéraires ou historiques, sont nombreuses. Loin d'être gratuites, elles apportent un vrai plaisir de lecture. Les moments passés avec Byron et Coleridge, souvent prétextes à l'humour, sont particulièrement savoureux. La description de la vie quotidienne du peuple londonien, de ses métiers comme de ses nécessités, plongent le lecteur dans le passé aux côtés du personnage principal. À force de les parcourir avec Brendan, les rues et quartiers de Londres paraissent presque familiers tant leur description est travaillée. L’Égypte, d'où proviennent les membres de la secte, n'est pas non plus en reste, ce qui devrait ravir les amateurs de mythologie.
Le pendant de cette richesse intellectuelle se retrouve dans le style de l'auteur. Bien que tout à fait lisible et emporté par le rythme trépidant de la narration, il est parfois alourdi par les références qui le parsèment. Pour vous donner un exemple, voici une phrase prise au hasard – promis juré – et qui illustre à mon sens mon propos : « Le pavé se voyait à présent, toutes les deux minutes, frénétiquement débarrassé de sa poussière par un corps de balayeurs en guenilles qui, chacun, travaillait jalousement sur sa portion de trottoir durement conquise devant les pas des dames et des messieurs susceptibles de leur donner un pourboire avec, pour toile de fond, la colonnade dorique de Covent Garden, récemment reconstruit après avoir brûlé de fond en comble en 1808, et dont la grandiose architecture, dans la clarté des lampadaires et dans la lumière dorée de ses lustres intérieurs, se paraît d'une autre élégance que sous le dur soleil. » (p. 136).
Je ne peux que recommander cet ouvrage pour toutes les raisons que j'ai invoquées. J'ai aimé être prise dans cette course contre la montre et je n'ai pas lâché le livre avant d'avoir eu le fin mot de l'histoire, un peu essoufflée malgré tout.