Ree Dolly vit dans les Ozarks, une région montagneuse et boisée entre l'Arkansas et le Missouri. Un territoire rude, loin des villes, replié sur lui-même, à l'instar de ses habitants, où les conflits de voisinage se transforment, au fil des générations, en haine mortelle.
Jessup Dolly, le père, un dealer minable, a disparu. Il s'est tiré en promettant de revenir avec un gros paquet de blé.
Ce qui laisse à Ree la charge d'une famille composée de ses deux petits frères et d'une mère abrutie par les médicaments. Avec ses maigres ressources et un peu de soutien de la part de la famille éloignée, la vie est dure et les privations sont importantes. Pas moins que le reste des habitants du comté.
Mais lorsqu'un adjoint du shérif se rend auprès d'une famille, c'est toujours pour une mauvaise nouvelle. On ne parle pas aux flics, on ne les reçoit pas avec le sourire. Cette fois-ci, Ree va devoir ouvrir ses oreilles. Jessup a bénéficié d'une libération en payant sa caution et il ne s'est pas présenté au procès. La caution va être encaissée.
Le paternel a mis la maison et le terrain en hypothèque pour payer sa caution.
Un hiver de glace est un roman noir dans le thème de son titre. Glaçant. On y suit une ado de seize ans qui veut survivre dans un environnement plein de haine et de malveillance. Elle a sur ses épaules une charge psychologique et sociale effroyable pour une gamine qui devrait être à l'école et profiter de la vie. Mais, dans ces coins reculés du sud rural des États-Unis, elle a un passé à oublier et aucun avenir. Les hommes fabriquent / vendent / consomment leur propre dope, se tabassent et engrossent leurs cousines, alors une vie heureuse et normale est hors de question.
Se tailler, tout laisser là, alors ? Pas en y laissant ses deux petits frères qui n'ont pas dix ans. Ree va devoir se battre. Secouer ses voisins. Menacer ses oncles. Et maintenir un mince espoir de retrouver son père, vif ou mort.
Woodrell écrit ici un récit poignant, au suspense terriblement envoûtant et à la psychologie fine. Ses personnages, s'ils ne sont pas forcément tous attachants, possèdent un caractère relevé et une personnalité imposante, bien que, parmi tous les membres de chaque grande famille, certains soient parfois difficiles à reconnaître.
Les dialogues et l'action ont une percussion proche de ce qu'un Ellroy peut faire. On sent peser sur nos épaules de lecteur le plafond épais, gris, nuageux, froid. On frissonne avec Ree qui patauge dans la neige. On a envie de l'arrêter, de la sortir de ce monde.
Et au fur et à mesure des pages, la vérité se dévoile.
Rugueux, noir, glacial sont les trois adjectifs qui résument le mieux cette pépite noire sortie du fin fond des États-Unis.