Dépassées, les drogues classiques ! Dans ce continent européen éclaté en petits pays indépendants, tout le monde ne rêve que de clous. Comprenez : des clous de tellure, que l'on se fait implanter dans la tête par un charpentier, et qui vous offrent des visions de rêve, une autre vie, de bonheur et de souhaits réalisés. Mais cette procédure n'est pas sans danger, comme le montrent les histoires horrifiques que se racontent les charpentiers, ou qui sont montrées dans le roman. Le tellure, le métal fabuleux dont sont faits les clous, n'existe apparemment que dans un petit pays nommé Tellurie, dont le président mène une vie de rêve, sans avoir besoin de clou : rien de tel pour cela que d'être le fournisseur exclusif d'un produit que tout le monde s'arrache, et d'être armé pour le défendre.
L'auteur de ce roman parvient très bien à rendre l'impression d'éparpillement de l'Europe telle que nous la connaissons, en nous parlant de la Tartarie, de la République Démocratique de l'Oural, et autre URSS (Union Républicaine Socialiste Stalinienne). Il nous montre aussi combien l'humanité a changé, en nous présentant des petits, des grands, ou des zoomorphes. Quant aux centaures, ils existent, mais vous ne voudriez pas vivre leurs vies.
Peut-être y réussit-il un peu trop bien, car le foisonnement de personnages, de pays, de situations, a fait que je n'ai pas vraiment réussi à accrocher au livre. Il m'y a manqué un fil conducteur, une histoire, un personnage, ces derniers n'apparaissant en général qu'une seule fois, à quelques exceptions près.
Cela dit, le style est remarquable, dans la tradition russe de l'absurde, qu'un Boulgakov ne renierait pas, et la peinture impressionniste que Sorokine fait des causes de son univers est crédible et intéressante.