Ce numéro est aussi important, peut-être spécialement pour nouz'aut' Français, en ce qu'il contient la nouvelle lauréate de la toute première édition du Prix Joël-Champetier, mis en place pour honorer la mémoire de l'auteur et éditorialiste disparu l'année dernière, et qui vise à récompenser une nouvelle écrite en français par un auteur non-québécois. Ce prix est ainsi le pendant du Prix Solaris, qui s'adresse en exclusivité aux écrivains du Québec.
Mais tout le volet Fictions est intéressant. Il contient :
Graine de fer, d'Olivier Paquet : Après la guerre que se sont livrés les écologistes et le Consortium, à laquelle les arbres notamment ont participé, un informaticien s'efforce de réparer les dommages qu'il a contribué à causer. Située dans le même univers que Jardin d'hiver, cette nouvelle est intéressante, originale et bien écrite. Rien d'étonnant à ce qu'elle ait obtenu le Prix Joël-Champetier.
Les artisans de la mort, d'Enola Deil : Mourir, oui. De sa propre volonté, oui. Mais de façon banale, non ! Or les artisans de la mort vous certifient - par contrat ! - une mort spectaculaire. Le thème est original, le ton humoristique, et j'ai bien aimé la chute.
Membre fantôme, de Jérôme Tousignant : Il arrive souvent que des amputés aient des sensations dans leur membre manquant, leur "membre fantôme", mais le cas de ce bras-là est différent. Cette nouvelle est originale, avec un glissement vers l'horreur fort bien maîtrisé, sinon tout à fait inattendu.
Visage éternel, de Josée Lepire : Certains fruits veulent être cueillis. Masqui-paca, lui, ne demande rien de mieux que de rejoindre la terre nourricière, aux côtés de son planternel. Un monde complet, hautement original, servi par une belle écriture, qui m'a portée à relire, avec toujours le même plaisir, la nouvelle La colocation, de la même auteure, Prix Solaris 2014, parue dans le numéro 191.
Le jour où les livres se mirent à s'écrire seuls, de Frédéric Parrot : Cette nouvelle décrit une "utopie ambiguë", où le monde change suite à l'accès des intelligences artificielles à la créativité littéraire. Même si l'apparition des I.A. a été traitée maintes fois, la nouvelle est intéressante... surtout pour un lecteur convaincu de l'importance capitale de la lecture !
Le caisson, de Mathieu Croisetière : Trois cosmonautes sont chacun dans un caisson au-delà de l'héliopause, afin de guetter l'espace au-delà. Mais ce qui s'y trouve semble à la fois dangereux et décidé à garder son incognito, par tous les moyens. L'intrigue est assez convenue, mais l'histoire est bien racontée, avec une progression impeccable, où l'on reconnaît bien le talent de l'auteur d'Attente.
Discours littéraire et discours scientifique : l'union de deux langages antagonistes, de Marc Ross Gaudreault. Pour moi, cet article tendrait à démontrer que l'introduction de données scientifiques dans une forme littéraire, que ce soit à des fins de vulgarisation ou en hard SF, ne peut vraiment intéresser que des lecteurs au moins intéressés par la science. La pure littéraire que je suis l'a trouvé à peu près illisible.
Mario Tessier a consacré ses Carnets du Futurible à La quête du jardin d'Eden. Certes, cet article est érudit et passionnant, comme toujours, mais j'ai personnellement regretté qu'il ne s'y trouve pas - fût-ce sous forme d'encart - de répertoire des œuvres de l'imaginaire consacrées au thème... même si j'en ai bien sûr reconnu certaines dans les titres des différentes parties.
La rubrique Sci-néma, sous la plume toujours alerte et passionnante de Christian Sauvé, fait un point sur les super-héros et les dystopies adolescentes ; j'ai repéré dans les Littéranautes un titre attirant, et la bonne critique, dans la partie Lectures, du roman d'Olivier Paquet complète la bonne impression que m'a laissée la lecture de sa nouvelle.
En somme, un numéro intéressant pour cette revue, dont le niveau de qualité se maintient, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs fidèles.