Nous sommes à Paris, sous le pont d'Austerlitz, en Novembre 1975. Deux SDF sont là, à écouter la radio qui annonce la mort de Franco, et par la même la fin de l'Espagne franquiste. Pour autant, Antoine Deregnaucourt a bien du mal à régir. Le Français qui a vécu en Espagne a encore le cerveau embrumé par l'alcool. Lui qui avait tout dans l'Espagne franquiste, et qui ne pouvait pas se contenter de tout cela sans réagir. A présent, il ne peut que se souvenir...
Car quelques années plus tôt, c'est un Antoine fringuant et plein de projets que l'on retrouve. L'homme a décidé de quitter Paris, malgré les protestations de son frère. Antoine a rencontré Iria, une espagnole, galicienne plus précisément. Son frère s'inquiète : Iria est plus âgée qu'Antoine, et le changement de vie de son frère sur un coup de tête ne lui plaît guère... Antoine et Iria projettent de retourner à La Corogne, là où vit toute la famille d'Iria...
Et une fois là-bas, tout se passe bien pour Antoine. Le couple va bien, Antoine fait la connaissance d'Anxo, le frère d'Iria, un riche businessman qui possède un commerce florissant de voitures. Anxo aide le couple à s'installer, en leur offrant une voiture, et en leur dégotant un grand bar à hôtesses qui deviendra vite un restaurant florissant, offrant un mariage inédit entre la cuisine espagnole et la cuisine française... Très vite, Antoine est adopté, et le couple s'enrichit...
Mais l'Espagne franquiste a des règles qu'Antoine découvre à ses dépends... Lors de l'achat du restaurant, hors de question pour le Français de pouvoir obtenir un prêt ou devenir propriétaire. Tout est au nom d'Iria. Ce qui convient à Antoine lorsque tout va bien, mais cela change peu à peu, lorsque l'alcool s'en mêle, et que l'harmonie du couple se fissure peu à peu, jusqu'au point de non retour...
C'est à un voyage dans le passé, et dans l'Espagne franquiste, que nous convient Philippe Thirault et Nadar. Une descente aux enfers pour un jeune Français qui plaque tout en France pour se reconstruire en Espagne à cette époque. Tout aurait pu bien se passer pour Antoine, et puis on assiste, impuissants, à ce déclin qui aurait pu être évité, sans cet alcool, et sans ces dénonciations propres à l'époque franquiste.
Ainsi, on apprend qu'à cette époque, il est interdit d'éteindre la télévision lorsque la bandera, le drapeau espagnol, est encore à l'image... Antoine est attachant, notamment lorsqu'on découvre cette histoire avec des yeux de Français. Un personnage fantasque et haut en couleurs, avec sa fierté, qui va tomber de haut...
Les dessins de Nadar possèdent un style très particulier, très art-deco, un peu comme ce qu'on peut trouver dans les productions d'un artiste comme Antonio Lapone : c'est beau, aéré, avec un soin tout particulier apporté aux visages et aux expressions des différents protagonistes. Tous sont parfaitement travaillés et crédibles, et le dessin sert parfaitement le récit de Philippe Thirault.
Salud! est une magnifique découverte, une descente aux enfers d'un Français attachant mais non dépourvu de gros défauts, dans l'Espagne franquiste. Une très belle petite histoire au sein de la grande Histoire !