Les Chroniques de l'Imaginaire

Shantaram - Roberts, Gregory David

Shantaram signifie Homme de paix. C'est le nom que Rukhmabai, la mère de son fidèle ami Prabu, a donné à Lin. Surnom mérité, vous vous en rendrez compte une fois avoir lu ce pavé de 1080 pages. C'est sûr, un tel livre peut faire peur, mais je vous assure n'avoir eu aucun regret d'avoir passé deux semaines en compagnie de Linbaba. Comment sortir indemne d'un tel récit, de cette histoire vraie !

Lin est de nationalité néo-zélandaise et s'est évadé de prison en Australie. Il s'est enfui de l'enfer carcéral après une vie de braqueur de banques, de malfrat, de dur à cuire, accro à l'héroïne après avoir perdu la garde de sa fille. Il s'envole pour l'Inde, échappe aux autorités et s'installe dans un petit hôtel de Bombay. Bombay : un trou, "un lieu qu'ils avaient en tête quand ils ont inventé le mot trou", une ville de quinze millions d'habitants et de deux cent dialectes. Toute l'Inde est regroupée dans la troisième ville la plus peuplée du monde dans les années quatre-vingt, date à laquelle arrive Lin à l'âge de trente ans.

Il rencontre de suite Prabaker, guide pour les touristes. Il deviendra son plus grand ami parmi toutes les rencontres indiennes qu'il fera à Bombay. Il y aura Karla, celle qu'il aimera au premier regard, Lisa, Ulla, Maurizio, Modena, Didier, Abdullah, Abdel Khader Khan, Khaled Ansari, Johnny Cigare, Nazeer, Qasim Ali Hussein, pour ne citer qu'eux. Que de personnages et que de rencontres avec de belles ou courtes destinées !

Lin part neuf mois vivre dans le village natal de Prabaker. Il en revient transformé et parle le dialecte de la région du Maharashtra : le Marathi. Il impressionne son entourage et est de plus en plus respecté dans Bombay suite au fait de parler leur langue. Il n'a plus d'argent et décide de s'installer dans le bidonville du Zhopadpatti dans une simple cahute proche d'un chantier à grande échelle, les tours du World Trade Center. Comme il a toujours soigné ses proches dans la prison suite à des formations de secourisme, tout le monde l'appelle le doc et il se crée une petite clinique au sein de cette communauté. Il vit de petits trafics et s'attache à cette pauvreté et est impressionné par la sûreté des lieux de sa nouvelle demeure, de l'entraide qui y règne et du respect de chacun. Ils sont tous beaux malgré leur pauvreté. Car "Il n'y a pas de cœur comme le cœur indien. L'Inde c'est le cœur. Il n'y a pas d'acte de foi plus beau que la générosité des très pauvres".

Lin fera ensuite la connaissance de la pègre, trouvera un père dans ses rapprochements auprès d'Abdel Khader Khan, un des chefs de gang de Bombay et ira même jusqu'en Afghanistan faire la guerre auprès de ses frères mafieux. Mais il n'oubliera jamais sa famille du bidonville. Dans cette Inde qui compte deux cent langues et un milliard d'habitants, Lin se sent chez lui. Il aime Bombay, ses couleurs, ses senteurs, ses tragédies, sa violence, son hypocrisie, son entraide, ses réjouissances, sa pauvreté, le respect de son prochain, sa joie de vivre et ses noirceurs. Les Mumbaikars sont tous différents mais savent se respecter. J'ai souvent été étonnée par certains rites, certaines personnalités comme entre autres les standing babas, moines qui ont fait vœu de rester toujours debout durant toute leur vie, sans jamais s’asseoir, ni pour manger, ni pour dormir, ni pour lire. Pour rien !!!

Notre héros se fera aussi des ennemis mortels, des gangs rivaux et surtout de la tenancière de bordel de luxe Me Zhou qui a juré d’avoir sa peau et qui l’enverra pratiquement "crever" dans la prison d’Arthur Road. Il en ressortira mort-vivant et replongera dans l’héroïne.

Mais il se fera aussi beaucoup de relations en ville et particulièrement au Café Léopold, un célèbre café de Bombay où il rencontrera le dandy Didier Lévy, Vikram le cow-boy, Maurizio, magnifique bellâtre et maquereau sordide, Modena le fou d’Ulla, Lisa… Il fréquentera les producteurs, acteurs et actrices des studio Bollywood. Mais surtout il rencontrera Karla, la fille aux yeux verts dont il tombera follement amoureux…

Lin va découvrir les rites de ce pays si variés, la vie de tout Indien vivant à Bombay. Il s'attachera à beaucoup de ses habitants et surtout au père qu'il n'a jamais eu : Khaderbaï. C'est là que je suis sceptique. Lin s'est laissé prendre au piège, plongeant de plus en plus du côté sombre. Je reste gênée par le fait qu'il suive constamment les ordres de Khaderbaï. Est- ce un maître ? un gourou ? un père spirituel ? Linbaba - autre nom de notre héros - ne veut pas le décevoir.

Ce roman est une porte ouverte à tous types de littérature : on y trouve de l' amour, des aventures, des voyages, de la politique, de l'initiation et de la philosophie. J'ai particulièrement apprécié les passages qui donnent à réfléchir autant sur la souffrance, le bonheur, le fanatisme et la justice.

Lin se cherche au cours de ces cinq livres reliés ensemble. Il souhaite se créer une famille qu'il n'a plus. Il la trouvera dans les rues de Bombay. N'oublions pas que cette histoire est vraie, peut-être quelque fois romancée mais ô combien intéressante. J'avais aimée il y a plus de vingt ans, le livre La cité de la joie de Dominique Lapierre. Shantaram m'a rappelé des souvenirs de cette lecture. Bombay n'est pas New Delhi mais la bonté des gens reste intacte. Bombay est une ville fascinante, l'Inde est envoûtante, respectant inlassablement ces différentes cultures et ses diverses coutumes.

Les passages liés à la drogue sont à la fois durs et violents, les passages à tabac et les scènes de crime et de guerre sont incroyablement bien décrits. On ressent avec l'auteur Gregory David Roberts la souffrance qu'il a pu endurer lors de ses périodes de désintoxication ou de la guerre en Afghanistan non loin de Peshawar.

J'ai aimé l'humanisme de notre héros, j'ai aimé cette Inde si bien définie par l'auteur, mais j'ai détesté le fait que le livre s'achève. Mais à mon grand soulagement, une suite existe : L'ombre de la montagne.
Depuis sa publication, Gregory David Roberts se consacre à l’écriture et à des fondations. Il a monté une entreprise consacrée au multimédia et vit actuellement en Suisse auprès d’une authentique princesse helvétique.