Jillian Caine, jeune scénariste hollywoodienne, est en quête d'un nouveau projet. Son dernier biopic, son genre de prédilection, n'a pas été un franc-succès et elle se demande bien comment faire pour ne pas être définitivement mise au placard. Heureusement, son agent, Anita Van Wallensbroo, lui a peut-être déniché l'affaire du siècle.
Dieter Jürgen, l'énigmatique réalisateur de films underground et trash, souhaite embaucher Jillian sur la réalisation de prochain long-métrage. Son projet : faire un film sur la vie de Debbie Fervertown, la tueuse d'extra-terrestres. Cette fameuse criminelle se serait échappée d'une petite bourgade puritaine après avoir débité en tranches son mari et ses deux fils, puis aurait assassiné tous les membres d'une secte. Le film promet d'être un succès, les masques de Debbie Fervertown s'arrachant toujours au moment d'Halloween, près de 20 ans après les faits. Bientôt, Jillian se retrouve sur les routes pour recueillir des informations auprès de personnes ayant connu la femme derrière le monstre. Ce qu'elle apprend la conduit à douter de la culpabilité de Debbie. Le portrait qu'on lui dresse de la ville qui fut théâtre des événements est pour le moins sombre : Dipton serait une enclave traditionaliste où les femmes seraient avant tout perçues à l'aune de leurs capacités reproductrices. Doit-elle accepter d'écrire le scénario, entourée des groupies et bikers drogués de Dieter ? Aura-t-elle le courage de se rendre jusqu'à Dipton, où doit avoir lieu le tournage ?
La première moitié du roman pourrait faire penser à une enquête policière : on suit la protagoniste à la découverte d'un univers peu reluisant, au fin fond de l'Amérique. Le mystère demeure pour le moins opaque à ce stade et on se demande si on va ou non basculer dans le fantastique. Puis le rythme s'accélère, notamment dans l'ombre du personnage de Dieter. Ce réalisateur, rockeur sans musique, a un caractère intéressant. L'ambiance est d'ailleurs résolument rock'n'roll. Les références aux Rolling Stones sont très nombreuses, du nom de l'agent aux bikers accompagnant Dieter. L'atmosphère exalte du sang, des tripes, de la sexualité débridée, de la violence sans gêne, de la drogue... Ce livre est donc à réserver à un public averti, comme on dit.
On a donc vraiment l'impression de basculer d'un livre à un autre : du mystère et de la dimension lourde et pesante du genre horrifique, au registre plus sanglant. Le tout arrosé d'une bonne dose de délire psychédélique : ce roman comprend de multiples rebondissements, certains attendus, d'autres complètement déjantés et ce jusqu'à la toute dernière.
Le style de Serge Brussolo renforce ces aspects très âpres du roman : il est direct, incisif, sans tournure lyrique, non pas vulgaire mais résolument cru. Je ne suis personnellement pas une grande fan de ce style d'écriture mais je comprends qu'il se justifie dans ce contexte et trouve qu'il va bien avec le livre. La première partie du roman m'a tenue en haleine puis j'avoue avoir pris un peu plus de recul devant l'ampleur des retournements de situations en cascade. Ce livre a donc suscité ma curiosité jusqu'au dernier moment mais plus vraiment sur un registre horrifique dès lors que les scènes devenaient de plus en plus grand guignolesques. Malheureusement, ces scènes ont pour moi nui à la crédibilité du récit. J'aurais également souhaité que la psychologie des personnages, y compris de la protagoniste, soit un peu plus développée. Je ne me suis jamais vraiment sentie proche d'entre eux, ce qui est plutôt dommage puisque leur sort m'était relativement indifférent.
Ce fut donc une lecture en demi-teinte : je suis plus adepte d'un genre horrifique où tout est feutré, où on montre peu, où la psychologie a une grande importance, ce que ce roman a touché du doigt à certains moments mais trop rarement à mon goût. Je ne connaissais pas l'auteur, qui est en réalité connu pour son sens de l'absurde. Si vous êtes vous-mêmes friands des livres d'horreur explicites, démonstratifs et imprévisibles ou des romans de Serge Brussolo, ce livre vous conviendra sans nul doute.