L'introduction de Gardner Dozois rappelle d'une part les femmes dangereuses "historiques" et la peinture qu'en ont faite la littérature et le cinéma. Il annonce que beaucoup de genres sont ici représentés, sans se limiter aux littératures de l'imaginaire proprement dites. Et le fait est que plusieurs textes de ce recueil appartiennent à la romance ou au roman historique. Sans plus tarder, en voici le détail.
Soit mon coeur est gelé, de Megan Abbott : Tom aime Lorie, et il est fou de leur fille, Shelby. Et puis celle-ci disparaît, et Lorie se met à se comporter étrangement. Une histoire discrète, en nuances, sur le rapport possible d'une femme à la maternité. A mon avis l'une des plus intéressantes et originales de ce tome.
La chanson de Nora, de Cecelia Holland : dans la turbulente famille Plantagenêt, on choisit cette fois de dépeindre un épisode de la vie de l'une des filles, à un tournant de sa vie. Cette enfant, fille d'Aliénor d'Aquitaine et d'Henri II, a certes de qui tenir...
Les mains qui n'y sont pas, de Melinda Snodgrass : les métis caras / humains sont interdits. Mais Sammy est si belle que même un humain haut placé ne peut que l'aimer. Une bonne nouvelle de science-fiction, l'une des rares du recueil, pas très originale dans ses thèmes, mais bien écrite et agréable à lire.
Raisa Stepanova, de Carrie Vaughn : la plus grande motivation de Raisa pour devenir un as de l'aviation, c'est de sauver la réputation de sa famille, et de son frère, porté disparu, ce qui, dans l'URSS de Staline, revient à être stigmatisé comme déserteur. Une nouvelle historique intéressante, bien écrite, avec un entrelacement de personnages imaginaires et historiques, sur une période et avec des héroïnes peu utilisées.
Les voisines, de Megan Lindholm : ça commence avec Linda, qui disparaît, une nuit, dans le brouillard. Sarah, sa voisine depuis vingt ans, son amie, a refusé de partir avec elle. Mais au fil du temps, elle vit de plus en plus dans le brouillard. Il y a au moins deux façons de lire cette nouvelle, soit en considérant qu'elle glisse de façon très maîtrisée vers le fantastique, soit comme une métaphore de l'envahissement progressif de l'esprit d'une vieille femme par la maladie d'Alzheimer. Et les deux lectures ne s'excluent pas forcément. De toute façon, cette histoire est excellente, certainement l'une des deux ou trois meilleures du recueil.
Une reine en exil, de Sharon Kay Penman : être l'époux de l'héritière du trône de Sicile est important pour l'Empereur. Mais pour la reine Constance, cela a à la fois plus et moins de sens. Une nouvelle fort plaisante, qui montre bien qu'il existe différentes formes de courage, et que certaines sont exclusivement féminines.
Deuxième arabesque, très lentement, de Nancy Kress : certains des membres d'une meute qui s'est arrêté pour s'abriter dans ce qui était autrefois un théâtre découvrent la danse. Si la toile de fond du New York post-apocalyptique est classique, la question de la place de la culture et de l'art dans la société ne l'est pas tant que ça, et bien traitée ici.
La ville Lazare, de Diana Rowland : Delia a une passion pour sa ville, même si elle a bien changé depuis la Dérivation qui l'a privée du Mississipi. Et elle veut la protéger. Entre SF et roman noir, une nouvelle plaisante, avec un beau personnage de femme.
Novices, de Diana Gabaldon : une fille que l'on prétend marier à un inconnu est d'avis qu'elle devrait avoir son mot à dire. Cette plaisante nouvelle se déroule dans l'univers d'Outlander. Pour les lecteurs de l'oeuvre de Gabaldon, je précise qu'elle se situe juste après la flagellation de Jamie, et la mort de son père, quand il s'engage comme mercenaire en France, auprès de Ian.
L'enfer n'a pire furie, de Sherrilyn Kenyon : une autre histoire de femme qui ne supporte pas d'être déracinée. Un bon texte, à mon avis affaibli par sa fin.
Les aides-soignantes, de Pat Cadigan : comment une discussion sur "les anges de la mort" conduit à la découverte de quelque chose de louche dans une vraie maison de retraite. Sans doute le texte qui m'a le moins accrochée, sauf peut-être par la peinture des rapports entre les deux soeurs, et de chacune à sa mère.
Les mensonges que me racontait ma mère, de Caroline Spector : dans un univers alternatif, à peine esquissé, mais qui semble intéressant, le virus Wild Card a transformé certains des enfants qu'il a frappés, pour en faire, dans le meilleurs des cas, des As. Ainsi de Bubulle, qui a la capacité d'utiliser sa propre graisse pour détruire les zombies. Une uchronie fortement teintée de fantastique, dont le ressort principal est l'amour, et notamment l'amour maternel.
De façon finalement logique, étant donné le titre de l'anthologie en deux tomes, les plumes féminines sont représentées en plus grand nombre. J'ai trouvé les textes de ce recueil plus variés et imaginatifs dans la description qu'ils font du courage, et de la dangerosité, des femmes.
Vraiment une excellente lecture, qui s'impose absolument pour ceux qui ont lu et apprécié le premier volet... et pour tous les autres !