Un groupe de scientifiques japonais est en mission sur la planète Nakamura. Récemment découverte, elle contient une faune et une flore des plus singulières. Leur propension à s'accoupler constamment et entre espèces constitue une véritable énigme de l'évolution. Malheureusement, une jeune botaniste, le docteur Shimazaki, en subit les conséquences puisqu'elle tombe enceinte d'une des plantes qu'elle étudiait. Puisqu'elle ne souhaite pas garder l'hybride, une expédition de secours est dépêchée afin de trouver un moyen de l'en délivrer. Le temps compte puisque chaque jour qui passe, le docteur entame un nouveau mois de grossesse.
Le chef des scientifiques sélectionne trois personnes pour se rendre auprès des Nunudiens, une espèce très similaire aux Terriens. Seront du voyage : le docteur Mogamigawa, prude sexagénaire, Yohachi, un ouvrier à la libido sans limite et le narrateur, qui a déjà effectué le trajet jusqu'au territoire des Nunudiens. Sur le chemin, ils vont rencontrer des créatures toutes aussi étranges les unes que les autres et qui justifient le surnom de la planète : la planète Porno.
Avant tout chose, il convient de préciser que les Hommes salmonelle sur la planète Porno est un conte philosophique et non pas un ouvrage pornographique. L'objectif de Yasutaka Tsutsui n'est clairement pas d'émoustiller son lecteur. Paru en 1977 dans un magazine puis en 1979 dans un recueil de nouvelles, ce court roman s'interroge sur la place de la sexualité dans la société, dans l'évolution des espèces et la régulation de la violence.
L'auteur tente d'adopter une forme de distance face à son objet d'étude, ce qui constitue pour moi un bon point. Il montre par exemple en quoi la libération sexuelle peut aussi signifier une instrumentalisation des rapports sexuels dans un but idéologique. On sent que l'opinion de l'auteur sur la sexualité tend vers cette libération, en considérant qu'il s'agit d'un phénomène naturel.
Toutefois, différents points de vue sont défendus, au travers des personnages, qui incarnent trois positions sur le sujet. À un extrême, le docteur Mogamigawa est choqué par tout ce qu'il voit car il perçoit la sexualité comme une forme d'abêtissement. À l'autre extrême, Yohachi le manutentionnaire ne vit que pour ça. Entre les deux, le narrateur est davantage intéressé par la planète d'un point de vue scientifique. Il fait office de médiateur entre les visions de Mogamigawa et de Yohachi. Le roman ne contient que peu de descriptions et repose presque exclusivement sur les joutes oratoires entre les personnages.
J'ai regretté le fait que les trois personnages soient tous des hommes alors même que l'enjeu initial repose sur une maternité non désirée. J'ai été rassurée qu'il ne s'agisse pas d'un livre érotique. Je suis toujours très gênée de lire des scènes de sexe dans quelque ouvrage que ce soit et rien ne m'a réellement choquée : si vous êtes plus libéré, vous n'aurez donc pas de problèmes non plus à priori.
L'édition en elle-même est de très bonne facture (papier de bonne qualité, typographie agréable à l’œil). La couverture est esthétiquement réussie mais représente des appareils génitaux en action (idéal pour susciter l'attention en public).
N'étant pas spécialiste des théories entourant la sexualité, je ne saurais pas dire si les arguments défendus sont percutants ou non. Les personnes particulièrement intéressées par le sujet pourraient aimer cette lecture. Pour les amateurs de science-fiction, ne vous y trompez pas, le genre n'est ici qu'un prétexte savamment exploité. Ce roman n'est pas davantage un roman de science-fiction que les aventures de Candide ou Gulliver ne sont des récits de voyage.
Pour être honnête, j'ai lu ce livre parce qu'un de mes amis tenait absolument à le lire en raison de son titre on ne peut plus improbable. Je craignais de m'astreindre à une lecture fastidieuse. Cela n'a pas été le cas : le texte se lit très rapidement, et ce d'autant plus en raison des dialogues. Le manque de description est heureux en ce qu'il permet de se focaliser sur l'objectif intellectuel de l'ouvrage – et aux gens prudes comme moi de pouvoir le lire.