Le petit Kolia est face à une situation bien difficile pour un garçon de son âge : sa chienne vient de mettre bas une dizaine de chiots et, après en avoir choisi un et un seul à garder, il doit maintenant aller noyer les neuf autres... Mais au moment où il doit justement les jeter dans un puits, le ciel ukrainien s'illumine, et toutes les pensées vont vers la centrale nucléaire, toute proche...
Car nous sommes à Pripyat, non loin de Tchernobyl, en 1986... Des milliers d'habitants ont dû quitter leur domicile, afin d'éviter les retombées radioactives. Dans les villes environnantes comme celle de Pripyat, donc, la nature a repris rapidement ses droits sur le béton et les constructions humaines. Nous sommes à présent quelques mois seulement après la catastrophe, et il n'est pas permis à tout le monde de pénétrer dans ces villes abandonnées...
C'est pourtant ce qui va bientôt être permis à Kolia et son père dénommé Sanglier, avec Pravda, un ancien Spetsnaz, Sputnik, un ami porté sur la vodka et Petit Père, un homme qui est accompagné de son chien Silence. Le petit groupe est là pour nettoyer la ville de Pripyat de ses chiens, autrefois domestiques... Le gouvernement russe craint que les compagnons canins, qui ne sont plus du tout sous le contrôle de leurs anciens maîtres partis depuis longtemps, ne répandent la radioactivité de manière incontrôlée. Alors, le voilà enclin à payer une trentaine de roubles par animal abattu...
Mais même en zone radioactive, et malgré un découpage des territoires pour les différents groupes de chasseurs, la nature humaine, souvent la plus mauvaise, reprend ses droits... Ainsi, il vaut mieux que Kolia surveille le camion pour éviter que d'autres chasseurs ne volent des cadavres de chiens... La mission est particulièrement difficile, d'autant que les chiens en question ne sont pas particulièrement agressifs... Au contraire, ils sont plutôt heureux de revoir des humains qui ressemblent tant à leurs anciens maîtres...
Les chiens de Pripyat est la nouvelle série d'Aurélien Ducoudray, à qui on doit notamment le diptyque Amère Russie ou encore le surprenant A coucher dehors, avec Anlor au dessin, dans la même collection Grand Angle. Ici, c'est Christophe Alliel qui est aux crayons, avec un beau travail de documentation, nécessaire à l'immersion dans cette histoire difficile.
Car il s'agit bien d'une histoire difficile. Le sujet est délicat : il s'agit d'abattre des chiens contaminés par la radioactivité, alors qu'eux-mêmes ne sont pas forcément désireux de dévorer tout ce qui passe à leur portée... Par ailleurs, on se retrouve à peine quelques mois après la plus grande catastrophe nucléaire de tous les temps...
Pour autant, les protagonistes ne prennent pas spécialement la peine de se protéger, et on a d'ailleurs l'occasion de croiser des personnages en tenue pour ce genre de situation, justement. Le récit nous permet également d'aller à la rencontre d'habitants qui ont refusé de partir, comme cette vieille dame qui a pour mission de récupérer toutes les statues de Lénine, ou encore celles de Saint Christophe. Un moment particulièrement fort...
La grande force de ce tome réside dans les expressions des personnages, très travaillées. Les décors ne sont pas en reste, comme en témoigne la couverture de ce premier tome. Les décors sont assez post-apocalyptiques, avec ces immeubles soudainement désertés, qui ont fait la joie des pillards, et où la végétation a repris ses droits.
Un premier tome convaincant et intéressant, sur un sujet assez inédit autour de la catastrophe de Tchernobyl. Les personnages sont attachants, notamment ce petit Kolia qui termine sur un bel effet de dernière planche. De quoi rendre l'attente de la suite difficile...
