Ben est un routier de la route 117, dans l'Utah, petite route le long du désert, entre des petites bourgades où les restaurants sont le plus souvent fermés, ou carrément à l'abandon... Autant dire que Ben est un survivant de la route, un homme qui a monté sa propre entreprise de transport, histoire d'amener encore un peu d'humanité à des gens qui, pour la plupart, n'ont plus de vie sociale depuis bien longtemps...
Ainsi, dans les clients réguliers de Ben, on peut trouver les frères Lacey, deux gars qui vivent entre eux, trafiquant vaguement dans le coin, et qui se font livrer leurs boîtes de chili con carne... Il vaut mieux ne pas savoir ce que ces deux-là ont fait par le passé et, de toute façon, Ben s'est toujours bien gardé de le leur demander...
Sinon, il y a le vieux Walt, qui tient encore un ancien restaurant appelé le Diner. La dernière commande remonte à quelque chose comme 1984, notamment l'année où Bernice, la petite femme de Walt, a subi un viol... Bernice est décédée quelques temps plus tard, presque une deuxième fois, pourrait-on dire... C'est depuis ce moment-là que Walt s'est efforcé de réparer des motos notamment. Il en a plusieurs, toutes plus rares et incroyables les unes que les autres... Le vieux Walt est un type qui prend soin de ses affaires, une force de la nature, taciturne comme pas deux. Et lui non plus ne parle pas beaucoup...
Et puis il y a le personnage qui va tout changer dans la vie de Ben... Un soir, alors qu'il se soulageait la vessie sur le mur d'une maison apparemment abandonnée, c'est là qu'il a fait la rencontre de Claire. Une nana dans cette maison paumée qui aurait dû être la première de tout un lotissement ! Une nana qui joue du violoncelle, qui plus est. Un instrument fort rare dans ce désert, bien entendu, et pourtant un instrument qui a lui aussi bien des histoires à raconter...
Ce Desert home est le premier roman de son auteur, James Anderson. Un nom bien américain, certes, et qui nous propose d'ailleurs de découvrir une Amérique bien profonde, bien éloignée de villes comme New-York ou Los Angeles... Non, là on est plus dans l'univers d'un film comme Paris, Texas, sorti en 1984. Ici, le décor est vite planté : on a du sable et des plantes qui tentent d'y survivre, à perte de vue. La nature est bien hostile mais, pour autant, il existe des gens qui sont capables de s'y perdre, et même de s'y habituer...
James Anderson centre son roman sur la rencontre, improbable, entre un routier fauché comme les blés et sur le point de rendre son camion, et cette fille qui vient là pour fuir son mari. Un violoncelliste de son état, prêt à tout pour récupérer son instrument, apparemment... Et Ben ira de surprise en surprise, plongeant par la même occasion dans le passé, triste le plus souvent, du vieux Walt, qui a bien des choses à raconter sur son passé...
Autant être clair : j'ai été complètement séduit et emballé par le faux rythme imposé sur ce livre. On a le temps de s'attacher à chaque personnage, et au moment où on se dit qu'il devrait quand même se passer quelque chose, cela vous tombe dessus sans crier gare. Un faux rythme vraiment bien maîtrisé, et c'est une belle prouesse pour un premier roman, justement...
Un livre qui oscille entre le road-movie, le thriller, et une improbable histoire d'amour qui révélera bien des secrets... Que demander de plus ?