Chaque fois que George Orr s'endort, il se réveille dans un monde transformé, une variation parfois subtil de l'univers dans lequel il vivait la veille. Lorsque George rêve, il influence inconsciemment le monde en le faisant basculer d'un sentier des possibles à un autre. Si l'urbanisation galopante et les problèmes de pollution n'étaient pas résolus, alors….Si les conflits au Proche-Orient ne trouvaient pas de dénouement pacifique, alors…. Alors l'univers serait loin d'être paradisiaque. Afin d'éviter que ces rêves incontrôlables ne bouleversent le monde, George abuse de drogues et est finalement envoyé chez le docteur Haber, spécialiste du sommeil. Ce docteur est l'opposant du récit, non pas qu'il soit véritablement méchant. Au contraire, il souhaite changer le monde, l'améliorer pour que tous les problèmes soient résolus. Mettre fin au racisme, à la guerre…quel mal peut-il y avoir à cela ? En hypnotisant George et contrôlant étroitement ses rêves, le docteur espère rendre le monde meilleur. Mais le peut-on réellement ?
Si Ursula Le Guin situe son action dans les années 2000, il est important à la lecture d'envisager le « monde de départ » de George comme celui de la période d'écriture de ce roman, les années 1970. La compréhension des enjeux s'en trouve grandement facilitée bien que bon nombre des problématiques abordées demeurent d'actualité: la pollution avec la montée en puissance de l'automobile, la haine raciale, la surpopulation, la malnutrition, les conflits mondiaux…mais aussi l'évolution des mœurs et de la famille.
Cet ouvrage est parfois déroutant, difficile à suivre...notamment les longues pages de dialogue entre George et Haber. Pourtant, il possède certaines qualités qui en font une lecture agréable: il pousse à la réflexion; il surprend sans cesse car le monde dans lequel il s'inscrit évolue lui-même constamment..; et il donne toute simplement envie de connaître la fin. Si certaines de vos lectures vous donnent l'impression de mûrir intellectuellement au fil des pages, celle de ce livre pourrait peut-être en faire partie.