Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 203)

Cette nouvelle livraison de la revue "historique" québécoise est particulièrement riche en qualité. Bien sûr, elle inclut les textes vainqueurs du Prix Solaris, et du Prix Boréal d'écriture sur place, mais même les autres nouvelles sont vraiment très bonnes. Voici mes commentaires à leur propos :

Les Tisseurs, d'Andréa Renaud-Simard : L'île a été oubliée, et ses habitants aussi. Ils ont pourtant un don singulier, et leurs productions sont littéralement merveilleuses. Ce texte original, quelque peu énigmatique et par là agréablement frustrant, trouve le moyen d'évoquer tout un monde cohérent, dans le format court d'une nouvelle. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que cette histoire bien aboutie, révélant le nom d'une auteure prometteuse, ait reçu le Prix Solaris 2017.

Troll de vie, de Pierre-Alexandre Bonin raconte l'évolution et le "progrès" humains, vus côté Troll. Amusante et bien rythmée, cette nouvelle a reçu le Prix Boréal d'écriture sur place, catégorie auteurs montants.

Un pont dont vous êtes le Troll, de Dave Côté : Sur le mode Jeu de Rôle, une description des différentes façons d'être un Troll. Ce texte excellent, drôle et original, a reçu le Prix Boréal d'écriture sur place, catégorie auteurs pros.

Petzis, de Michèle Laframboise : Dans une société dont la mort a été éliminée, l'ennui s'installe immanquablement. Bien sûr, revenir en arrière et faire mourir des humains est impossiblement cruel. Donc, chaque humain doit obligatoirement adopter un animal familier, un Petzi, qui, lui, mourra. Une superbe nouvelle, sur l'amour, le deuil, et les manipulations. Sans aucun doute l'une de mes préférées, et je chéris cette occasion de lire un autre texte de cette excellente auteure.

Fragments d'enfer, de Michel Lamontagne : Un catalogue bien écrit de nos angoisses les plus communes. Ce texte est vraiment très bien fait, et l'illustration est parfaite.

Fardeaux, de Sébastien Chartrand : Cette nouvelle de fantasy uchronique se déroulant dans une Florence impériale raconte une belle histoire  de vengeance très ritualisée, narrée dans une écriture adéquatement détachée, d'un père défunt. Une très belle nouvelle, originale et vraiment très plaisante à lire.

Notre amour, de Claude Lalumière : Une fable évoquant l'évolution d'une relation matrimoniale grâce à l'objectivation de "notre amour". C'est là une superbe métaphore filée et un fort beau texte, très original et qui sert bien son propos.

Démonothérapie, de Geneviève Blouin : Le tout jeune père Edouard, exorciste frais émoulu du Vatican, est consterné de devoir faire équipe avec un athée. Mais la situation est trop grave pour faire le difficile : un démon est hors de tout contrôle, et c'est leur devoir de le renvoyer. Le monde qu'évoque cette nouvelle est intéressant, très crédible, et l'écriture est très maîtrisée, avec juste ce qu'il faut d'humour suggéré. L'une de mes préférées de ce numéro.

Dans ses Carnets du Futurible, Mario Tessier s'intéresse à la règle à calcul, autrefois omniprésente dans la SF, tant au cinéma qu'en littérature, et qui en a disparu depuis le développement de l'informatique. Comme toujours, j'ai eu l'impression d'apprendre plein de choses, et j'ai trouvé que c'était une très intéressante réflexion sur le sens d'une éventuelle mode "rétro", tant pour le calcul que pour l'écriture.

La rubrique Sci-néma, de Christian Sauvé se penche, cette fois, sur les grosses productions, parmi lesquelles je retiens particulièrement Arrival, mais fait aussi un tour d'horizon des sorties européennes récentes.

Les différentes rubriques de critiques de livres donnent, comme à l'accoutumée, des pistes de lecture parmi lesquelles, cette fois, un texte de fond tentant sur la fabrication de l'Histoire : Pour une Histoire des possibles, de Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou.

En somme, un autre numéro de Solaris que je stockerai précieusement dans ma bibliothèque surpeuplée.