Nous sommes à New-York, en 1932. A cette époque, même si la frénésie est déjà de mise, la Grosse Pomme ne ressemble pas encore tout à fait à ce qu'on connaît aujourd'hui. Hoover est sur le point de laisser la présidence à Roosevelt, et les immigrés sont nombreux pour pouvoir faire monter l'acier à l'assaut des cieux. C'est d'ailleurs sur le chantier de ce qui deviendra le Rockefeller Center que l'on fait la connaissance d'un groupe d'ouvriers irlandais...
Dan Shackleton est ainsi un nouvel arrivant sur ce chantier. Comme beaucoup, il souhaite travailler pour envoyer de l'argent à sa femme et ses enfants, pour le moment restés au pays. Immédiatement, Dan fait la connaissance d'un colosse, charismatique et silencieux, que les collègues de travail ont pris pour habitude de nommer Giant. Giant et ses collègues fixent des rivets, à chaud, et Giant excelle tout particulièrement dans ce job.
Le revers de la médaille, par contre, est que ce job est franchement dangereux. On ne compte plus les chutes fatales et, justement, c'est à Giant d'annoncer la mort de Murphy à sa veuve restée au pays. Ses collègues lui remettent les affaires de Murphy, notamment les dernières lettres reçues par sa femme et ses trois enfants. C'est alors que Giant, un être vu par beaucoup comme une grosse brute silencieuse, se met à correspondre avec la veuve en question, allant même jusqu'à lui envoyer de l'argent régulièrement.
Rapidement, la relation épistolaire prend une grande place dans la vie de Giant, même si ce dernier se déride peu à peu avec Dan Shackleton... D'autant que dans ce New-York qui émerge, il vaut mieux avoir des amis pour survivre : la mafia italienne, entre autres, émerge également...
C'est à Mikaël que l'on doit ce premier tome de Giant, qui paraît chez Dargaud. L'album fait l'objet d'une préface élogieuse de Jean-Louis Tripp (auteur notamment de Magasin Général, avec un certain Régis Loisel...). Mikaël sait rendre ses histoires intéressantes, effectivement, surtout lorsqu'il s'agit d'univers glauques et sombres, comme ce qu'on pouvait découvrir dans Promise. Force est de constater que ce ne sont pas les ruelles crasseuses qui manquent, dans ce New-York du siècle dernier...
Les dessins, tantôt sombres et tantôt très lumineux, notamment lors des travaux en hauteur, sont une franche réussite. Il y a du détail, des expressions et des silhouettes soignées, des cadrages audacieux : on sent que Mikaël a mis son cœur dans cette histoire, et on a une impression d'achevé comparable, largement, à ce qu'on pouvait trouver dans Promise.
Le récit est également parfaitement maîtrisé : on a passe d'un personnage à l'autre, en s'attachant très rapidement à ce personnage immense de Giant. Un ours au grand cœur, si on voulait résumer, même si le personnage est bien plus complexe que cela. Mikaël profite également des faits historiques de cette période pour émailler son récit, en partant d'une photographie, célèbre, de ces ouvriers assis sur une poutre en métal, sans protection, bien au-dessus du sol.
Différentes techniques narratives sont employées ici, avec notamment la voix de ce présentateur radio, qui donne corps au récit. Les dessins sont à l'avenant, parfaitement au service du récit : chose plus aisée lorsque le dessinateur et le scénariste ne font qu'un... Mikaël signe là, seul, un livre réussi et prometteur : il me tarde de découvrir la suite et fin de ce diptyque !