Justine est à l'aube d'une nouvelle expérience de vie. Elle a seize ans et quitte le cocon familial pour débuter des études de vétérinaire, comme son père, comme sa mère, comme sa sœur. Végétarienne, un peu naïve, plus adolescente qu'adulte, douée, Justine va retrouver sa grande sœur, Alexia, dans la même faculté. Qui aura tôt fait de lui faire comprendre que le bizutage est le passage obligé chez les vétés. La première épreuve est d'avaler un rein de lapin.
De la viande crue tirée d'un bocal.
Un choc ? Justine se met à goûter à la viande. Une révélation puis du plaisir et une obsession.
Grave est le film franco-belge présenté à la Semaine de la critique 2016 à Cannes qui a fait couler beaucoup d'encre. Ce premier long-métrage de la réalisatrice Julia Ducournau est un film de genre extraordinaire qui assemble une expérience sociale à une transformation personnelle sur un ton d'un gore réaliste, clinique. Grave parle de sexe, de drame, d'apprentissage, de pulsions, de plaisirs, de désobéissance dans un mélange captivant et joliment excitant.
C'est une production étonnante, intelligente, bien dirigée, équilibrée et bien castée. La jeune Garance Marillier fait des merveilles dans le rôle de Justine, autant pour son apparence physique - une gamine à peine sortie de l'adolescence - que dans son jeu et ses émotions. Elle peut faire preuve d'un manque total d'assurance puis d'une cruauté à faire frémir, tout en restant avec justesse dans son personnage plongé dans un monde estudiantin froid et dur. Marillier réussit avec distinction son job en rendant Justine immédiatement attirante et attachante. Le charme persiste pendant l'heure et demie du film, malgré le comportement pour le moins dérangeant du personnage.
A ses côtés, son coloc' gay, Adrien, est joué par Rabah Naït Oufella. C'est un gars plutôt normal qui permet à Justine de se rattacher à la réalité. Le rôle d'Alexia est dévolu à Ella Rumpf, qui a une influence totalement opposée sur sa petite sœur.
Autant que pour les romans, j'ai la désagréable tendance à être blasé et difficilement surpris par les films que je regarde. Grave joue hors catégorie. J'ai été scotché à mon écran et je n'ai pas vu le temps passer. Ma première crainte s'est vite envolée. Je déteste les films où les acteurs passent leur temps à hurler (encore plus dans les productions françaises). Ici, malgré son caractère extrême, Grave est calme. On se laisse porter par la musique et l'atmosphère. Un autre point positif est que Grave a été tourné sur le campus perdu dans la forêt de mon université dont l'aspect angulaire du béton contemporain des années soixante donne une charmante touche de désespoir apocalyptique aux images.
Détails amusants, l'Université de Liège est l'une des deux universités belges où les étudiants peuvent suivre un master en médecine vétérinaire, elle est doté d'une clinique vétérinaire renommée et ses salles de cours ont souvent été envahies d'étudiants français - autant de figurants disponibles.
Est-ce que l'image que j'ai des étudiants vétérinaires a changé après avoir vu ce film ? Aucunement !
Bon, ce petit bijou cinématographique n'est pas pour tout le monde. Il a été interdit aux moins de seize ans, ce qui a rendu son visionnage en salle compliqué. Ma déception est de ne pas l'avoir vu au cinéma. Et il est, vous l'aurez compris, déconseillé aux personnes sensibles. Plusieurs articles de presse parlent de spectateurs évanouis ou nauséeux dans les cinémas. Ridicule mais ce n'est pas mauvais du tout pour la promotion de Grave outre Atlantique.
Pour tous les autres, venez donc frissonner de plaisir devant cette merveille hors norme de talent, d'esthétisme et de sauvagerie.