Les Chroniques de l'Imaginaire

La vallée du diable - Pastor, Anthony

C'est en 1920 que quatre Français qui ne se connaissaient pas ont entrepris le voyage, en bateau, de la France à l'Australie. Deux veuves, la déjà vieille Blanca et la jeune et séduisante Pauline, un orphelin, Florentin, et un ancien voyou, Félix, encore appelé Arpin. Tous se serrent les coudes durant le voyage, notamment parce qu'ils sont tous savoyards. Ils se mettent à apprendre la langue du pays qui va les recevoir dès la traversée, de peur de devoir entreprendre le voyage retour...

Et grâce à un certain James Jacques, veuf qui vit avec sa fille Marie, les quatre Savoyards se retrouvent en Nouvelle-Calédonie, où ils travaillent tous ensemble. Il faut dire que l'attirance physique que James a éprouvé envers Pauline a aussi un peu aidé, dans cette décision...

Mais cinq ans plus tard, en 1925 donc, les choses ne se sont pas franchement passées comme elles l'auraient peut-être dû... Ainsi, James Jacques est toujours veuf, et Pauline s'est mariée avec Arpin, pour la plus grande surprise de bien des gens... Pourquoi cette femme a t'elle préféré épouser celui qui n'avait rien, ni même franchement de grands projets d'avenir ? Peut-être simplement parce que James n'attirait pas Pauline, en dehors d'un simple sentiment de gratitude...

Quant à Florentin, c'est de Marie qu'il n'arrive pas à être amoureux, même si cette dernière lui tourne lourdement autour... Auguste, un employé kanak de James, fait remarquer à Florentin qu'il fait une lourde erreur en refusant les avances de Marie. Mais pour Florentin, la tête est ailleurs, et pourquoi pas vers Pauline, également...

Mais les choses sont sur le point d'éclater, dans l'immense propriété et les riches terres de James. L'homme n'est pas forcément si affable qu'il en avait l'air, sur ce port à Sydney... Les années l'ont rendu aigri, envers Blanca et Pauline, envers Florentin, Arpin, et même envers Auguste, qu'il n'hésite pas à battre et à chasser pour une sombre histoire de tonneau de vin renversé... De quoi mettre encore un peu plus le feu aux poudres.

Et puis, il y a Arpin, qui a fauté avec une femme kanak, celle-là même qui était destinée à Auguste... Pire, une petite fille est née de cette union. Arpin essaie bien de le cacher à Pauline, mais cela fait maintenant trop longtemps : le secret ne peut plus être gardé. Et l'enfer pourrait bien se déclencher sur ces chemins de montagne qui mènent à une mine, dans une vallée qui porte le nom du diable...

La vallée du diable est un one-shot fourni, immense, dont la lecture attentionnée donnera un véritable choc au lecteur. Anthony Pastor n'y va pas par quatre chemins, avec des dessins et des couleurs splendides, un trait particulièrement fin qui laisse une impression de crayonné à travers près de 120 planches. Les cadrages sont par ailleurs audacieux, les expressions, les visages, les décors : tout est parfaitement à l'avenant. Les heures de recherches transparaissent dans chacune des pages, devant autant de justesse.

Le récit est complètement immersif. C'est intéressant, laissant de la place à la présentation de personnages pour lesquels on aura vite de l'attachement, notamment Pauline et Florentin, forcément... Le rythme est lui aussi franchement maîtrisé : c'est tantôt lent, volontairement, car il y a pas mal d'informations à digérer, et tantôt rapide et, là, le découpage et les plans serrés sont extrêmement bien choisis. Il est possible de passer deux pages sans le moindre texte, et on se dit que les dessins, seuls, racontent déjà tellement bien cette histoire...

Anthony Pastor signe là un livre indispensable : à découvrir d'urgence avec toute la tranquillité requise, et même à posséder pour de bien nombreuses relectures, en compagnie de personnages embarqués dans la véritable Histoire des kanaks dans ce coin de Nouvelle-Calédonie, conseillée par Isabelle Merle !