Les Chroniques de l'Imaginaire

Le château des millions d'années (La tétralogie des origines - 1) - Przybylski, Stéphane

Tout jeune, Friedrich Saxhäuser est devenu un soldat. Puis, comme tant d'autres, le traité de Versailles l'a laissé sans raison de vivre et sans argent. Heureusement, il a rencontré Marie-Gabrielle von Stefan, et repris des études. Mais un soir, l'un de ses condisciples l'emmène écouter un inconnu promis a un grand avenir : Adolf Hitler. Saxhäuser est séduit et rejoint les rangs du futur parti nazi. Lors d'une manifestation, il sauve même la vie de Hitler, qui lui maintiendra sa confiance, malgré les réserves de Heydrich.

Par la suite, en effet, Saxhäuser sera moins un homme de main qu'un espion, souvent en interne, par exemple au sein des services secrets de la flotte allemande. C'est dans ce cadre qu'il accompagne l'un de ces pseudo-savants de l'Ahnenerbe en Irak pour une mission archéologique visant à retrouver des traces d'une soi-disant tribu aryenne des origines... Parfaite couverture pour essayer de convaincre les tribus indigènes de se rallier à l'Allemagne dans la guerre qui approche à grands-pas, une mission qui lui a été confiée par Himmler lui-même.

Mais dans la vallée du Nahr al-Zab-al-Saghir, l'expédition va découvrir quelque chose de beaucoup plus important et beaucoup plus étrange que prévu, faisant des deux Allemands une cible pour les services secrets britanniques, puis pour la Navy, une fois la guerre commencée.

Il est évident à lire ce roman que l'auteur maîtrise parfaitement son sujet, la période historique dont il traite et le fil de son histoire, ce qui est toujours plaisant et rassurant pour le lecteur. Les personnages sont suffisamment variés et denses pour être crédibles et intéressants, et l'action est pratiquement incessante, avec beaucoup de rebondissements, même si certains ne sont pas totalement inattendus. J'ai bien aimé aussi le côté "wagnérien" de l'atmosphère, à peine suggéré comme une musique de fond, mais qui a probablement, vu le titre de la saga dans son ensemble, un rôle dans l'imaginaire de l'auteur et la construction de l'histoire globale.

Du côté du style, j'ai été agacée par la multitude de flashbacks. En effet, si la plupart m'ont paru justifiés (il est habituel, et bienvenu, quand un personnage se remémore un événement, de le raconter "en direct" au lecteur), certains m'ont semblé mieux adaptés au monde cinématographique qu'à la littérature, en imposant au lecteur de se souvenir en permanence s'il est en 1925, 1939 ou 1950, pour ne citer que trois des dates où se déroule l'une ou l'autre partie de l'histoire. Enfin, et surtout, je supporte vraiment mal qu'un écrivain de langue française ignore le sens d'une expression au point de l'employer à rebours : si l'on veut dire à quelqu'un "vous savez sûrement" on lui dit, dans un style plus soutenu, "vous n'êtes pas sans savoir". La formule utilisée dans le roman "vous n'êtes pas sans ignorer" signifie "vous ignorez sans doute"... et donc exactement le contraire de ce que l'on veut dire ! Dans le même ordre d'idée, l'usage répété du terme "huis" pour "porte" ne se justifie pas, le style général du roman n'étant pas soutenu.

Toutefois, pour qui n'est pas aussi épidermiquement sensible à la langue que moi, ce ne sont sans doute là que vétilles, qui ne devraient pas gêner la lecture. Et cela ne m'empêchera sûrement pas de lire la suite, avec une grande curiosité.