Charles Yu est un réparateur de machine à voyager dans le temps dans l’univers mineur 31. Il essaie de vivre lui-même en dehors du temps, dans une boîte avec son chien qui n’existe pas, Ed, et son système d’exploitation version féminine et dépressive, Tammy. Son supérieur, Phil, est une intelligence artificielle qui s’ignore. Sa mère revit en boucle la même séquence temporelle. Son père a disparu depuis plusieurs années. Celle Qui Aurait Pu Être Sa Femme attend leur rencontre quelque part dans un parc. La routine s’installe. Et puis tout déraille (peut-être) : Charles se tire dessus. Enfin, son futur lui se fait descendre par son lui du passé, qui sont tous les deux au présent à un point ou à un autre du récit. Charles est alors pris dans une boucle temporelle dont il doit essayer de se sortir.
Guide de survie pour le voyageur du temps amateur est un roman déroutant. Il ne s’agit pas d’un roman d’aventures temporelles mais d’un ouvrage psychologique, teinté de curieuses références autobiographiques. Le délitement d’une famille, les espoirs de carrière déçus, la « matrice père-fils » sont au cœur du récit. Le protagoniste, nommé Charles Yu, comme l’auteur, est en quête de lui-même aussi bien que de son père. Les chapitres alternent entre la narration à la première personne, par Charles Yu, et les passages plus « académiques » du guide du voyageur amateur également écrits par Charles Yu bien sûr. Les extraits du guide sont d’accès assez ardu, contrastant avec le ton plus familier adopté par le protagoniste. Ils dévoilent une autre lecture possible de l’ouvrage, à l’aune de la création d’un univers (science-)fictionnel, de récits narratifs. Le héros, éternel paumé, est rendu attachant par ses nombreuses fragilités émotionnelles et son bon fond. L'auteur parvient même à donner de la profondeur à Tammy et Ed, alors même que le premier est un logiciel et le second un chien inexistant.
Le titre de l’ouvrage est malheureux puisque les amateurs d’aventures trépidantes n’y trouveront pas leur compte. Au contraire, les passionnés de l’utilisation quasi-philosophique de la science-fiction pour faire réfléchir sur le sens de la vie, de l’acte de création… y prendront goût. Le titre originel de l'ouvrage est d'ailleurs How to Live Safely in a Science Fictional Universe, ce que l'on pourrait grossièrement traduire par « comment survivre dans un univers de science-fiction ». Les jurons du protagoniste « Nom d’une Ursula Le Guin » sont en ce sens révélateurs de l’intention de l’auteur. Son roman ne déparerait pas aux côtés de certains ouvrages de l’auteure sus-nommée, notamment L’Autre Côté du Rêve, autre voyage réflexif dans un univers fictif où la matière science-fictionnelle n’est que prétexte à la cogitation intellectuelle.
En résumé : voici le premier roman d'un auteur à suivre !