Nous sommes en 2312. Le système solaire a été colonisé après que la Terre a subi un désordre climatique de grande envergure. Pour survivre, l’humanité a évolué : la médecine a accru sa longévité et transformé le corps humain de diverses façons ; la physique et les sciences numériques ont créé les Qubes, sortes d’ordinateurs quantiques aux capacités hors normes ; les sciences dans leur ensemble ont permis la terraformation et la transformation d’éléments célestes en terrariums mobiles géants pour faune et flore.
Sur Mercure, dans la cité mobile de Terminateur, Alex décède soudainement. Mais Alex n’est pas n’importe qui. La Lionne de Mercure était influente à plus d’un titre dans l’ensemble du système solaire et poursuivait plusieurs projets secrets. Swan, sa belle petite fille, doute de la cause naturelle de la mort. Elle n’est pas la seule puisque l’inspectrice Genette d’Interplan vient également enquêter sur la disparition. Warham, un diplomate saturnien et associé d’Alex, vient compléter le trio.
Le point fort du roman est sans conteste son univers très bien ficelé. La vision d’une Terre moribonde, engluée dans les désordres climatiques et le poids de sa population, vient compléter les visions post-apocalyptiques climatiques qui fleurissent ses dernières années. Les colonies de Mercure, Saturne ou Venus sont assez intéressantes. Chacune ont leurs spécificités et la cité Mobile de Terminateur qui glisse indéfiniment sur de gigantesques rails pour échapper aux rayons destructeurs du Soleil est une image particulièrement forte.
Autre grande réussite : les terrariums. Il s’agit d’astéroïdes ou de petits corps célestes qui ont été creusés et modifiés intégralement puis aménagés selon différents thèmes. Ici, un aquarium géant qui abrite une mer infinie et une grande variété d’espèces de poissons ainsi sauvegardées, comme dans un zoo. Là, un terrarium plongé dans le noir le plus complet. Ou encore des terrariums plus classiques mais évocateurs de telles ou telles cultures terriennes. Ces terrariums ont également la bonne idée de servir de transport dans l’espace entre les différentes planètes. Enfin, dernière belle idée, l’art planétaire qui consiste à créer une œuvre en fonction de son emplacement sur la planète.
Je suis beaucoup moins enthousiaste sur le reste tant les manquements sont nombreux. Peut-être était-ce l’effet voulu, mais les personnages sont tellement monoblocs, étranges et froids qu’il est impossible de s’y attacher ou de ressentir le fameux phénomène d’identification. Il faut dire que, à peine à un tiers du livre alors que l’on suit Swan depuis le début, le récit s’emballe à suivre la perspective de Wahram puis de Genette et ainsi de suite. Swan du reste n’est pas spécialement évidente à suivre : bourrée de transformations qui l’ont pourvue d’un deuxième sexe, masculin celui-là, de gènes d’animaux, d’organismes Alien inconnus…, elle a un comportement totalement erratique qui suit des sautes d’humeurs qui ne sont pas vraiment expliquées. Wahram est un personnage pondéré à l’extrême à la physionomie batracienne. Là encore, difficile de se mettre dans la peau d’un personnage sans aspérité aucune. Quant à Genette, elle est mise en scène en action mais presque jamais nous n’avons accès à son intériorité. Elle cache en permanence ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait. Pratique pour le lecteur. Enfin, si l’on en vient aux Qubes qui sont donc des super ordinateurs dotés d’une intelligence artificielle, rien de neuf sous le soleil. Ce sont des concepts vus mille fois et il n’y a pas spécialement de nouveautés les concernant. On trouve bien mieux ailleurs.
Autre sujet assez épineux : l’intrigue. Elle tourne autour (mais alors de façon orbitale tellement c’est loin, parfois) de l’enquête autour des activités d’Alex. Mais il est peu de dire que l’enquête est un énorme McGuffin qui sert de prétexte à la description des visions futuristes de Robinson. Elle n’a presque aucun intérêt : la plupart du temps elle n’avance pas et sa résolution est un soufflé qui retombe mollement dans l’indifférence générale. La narration autour de l’intrigue est excessivement décousue. C’est généralement un moyen dans un polar de perdre un peu le lecteur pour le faire arriver à un point où « mais oui bon sang mais c’est bien sûr », lequel moment n’arrive jamais puisque la résolution n’a aucun intérêt. Narration toujours, l’auteur nous inflige de cours textes entre chaque chapitre qui sont soit des listes interminables autour d’un thème, soit des fragments de textes décousus qui ont parfois — trop peu souvent — le mérite d’éclairer un point. Mais la plupart du temps, ces textes courts ne semblent avoir aucun rapport avec le texte principal. Là encore, j’attendais de la révélation qu’elle explique le pourquoi de ces textes, en vain.
En conclusion, la lecture de 2312 est assez pénible et n’offre que peu d’intérêt d’un point de vue de l’histoire. En revanche, l’ouvrage peut être lu sous la perspective d’une promenade dans un système solaire imaginaire, comme un circuit dans un musée conduit par un guide un peu sénile.