Toute société fonctionne avec des règles bien établies, même si les individus n'ont plus forcément conscience de ces dernières. Et elles pourraient être, dans des sociétés voisines ou uchroniques, totalement différentes de celles qui régissent nos habitudes, nos lois, ou nos mœurs. Imaginons par exemple qu'il soit absolument impossible de divorcer, une fois que l'on est marié : une société où l'état met en place une police matrimoniale, chargée justement d'enquêter pour empêcher toute infidélité avant que celle-ci ne soit commise. Une société où même si elle est battue, une femme ne peut se séparer de son violent mari...
Ou alors, il peut y être aussi question de mixité sociale : Laziza vit dans une cité, mais elle a encore le droit de travailler, en ayant un laisser-passer qui lui permet d'aller en ville. Laziza est parfaitement intégrée et compétente dans son travail. Mais son laisser-passer est sur le point d'arriver à terme. Et au niveau de son travail, on ne souhaite plus la prolonger : un autre CV la devance sur son propre poste. Un CV que la société privilégie car le candidat en question a une ascendance française plus ancienne que celle de Laziza...
Cette société uchronique pourrait aussi dévier de la nôtre en raison de la trop grande influence que pourraient avoir les assurances et les mutuelles de santé sur la population. Ainsi, il serait normal d'avoir une famille où les membres ont été ou sont régulièrement malades. Des gens qui coûtent plus cher que d'autres, n'étant plus rentables... L'horreur, notamment pour Anne, la fille de Louis, qui souhaite faire des études de médecine depuis la mort prématurée, d'un cancer, de sa mère... Mais les choses prendront une toute autre tournure...
La révolte pourrait aussi venir des nouvelles méthodes de la police, pour obtenir zéro criminalité dans les grandes villes, ou encore sur les méthodes qui visent à museler et cacher les grands faits historiques : on ne parlerait plus de la Seconde Guerre Mondiale, et Hitler serait même pris en exemple, jusqu'à ce qu'un vieux professeur, encore soucieux du devoir de mémoire, se mette en danger pour montrer à quelques uns de ses étudiants que la société n'est pas aussi policée qu'on veut bien le faire croire.
Toutes ces scènes sont autant de récits qu'il vous sera possible de découvrir dans ce premier tome d'une nouvelle saison de S.O.S. Bonheur, près de trente années après le premier cycle, à l'époque né de l'imagination de Jean Van Hamme, et déjà avec le coup de crayon de Griffo.
C'est avec un plaisir certain que les amateurs de ce premier cycle découvriront de nouvelles uchronies, parfaitement ancrées dans les réalités que l'on vit : Stephen Desberg s'est efforcé d'imaginer des situations issues de l'actualité, et signe là une oeuvre encore une fois très noire, et très voisine des scènes imaginées à l'époque par Jean Van Hamme. Des scènes qui datent de 1988, mais qui sont elles aussi encore terriblement actuelles.
Ainsi, les dessins nerveux et épurés de Griffo favorisent encore une fois l'action et la lisibilité : c'est parfaitement adapté pour suivre les événements glaçants qui accueillent nombre des personnages que l'on croise ici. Les amateurs du premier cycle se régaleront de nouveau avec ce nouveau tome, et ceux qui ne connaissent pas pourront sans peine suivre ce nouveau cycle, sans forcément connaître le précédent.
Une uchronie complètement ancrée dans l'actualité, à l'efficacité aussi remarquable que le cycle précédent : à lire et relire, et surtout à faire découvrir au plus grand nombre, histoire de réfléchir avec une bande dessinée pleine d'intelligence sombre.