Fitz, désormais connu sous le nom de Tom Blaireau, coule des jours heureux avec son épouse Molly, dans l'ancien manoir de son père à Flétrybois. Leur vie est tranquille et ils n'ont que de menues contrariétés, notamment le fait que Molly vieillit bien plus vite que Fitz, préservé bien malgré lui par l'Art. Malgré l'insistance de ses proches (sa fille Ortie, le roi Devoir...), Fitz ne veut plus rien avoir à faire avec la politique et les intrigues, pas question pour lui de retourner à Castelcerf : FitzChevalerie Loinvoyant, bâtard de la famille royale, est officiellement mort depuis vingt ans.
La plus grosse déception du couple est de ne pas avoir eu un autre enfant, mais désormais Molly est trop vieille pour enfanter. C'est pourquoi, quand elle affirme être enceinte, Fitz se dit que ce sont les premiers signes de démence sénile. D'autant que cette "affabulation" dure près de deux ans... Quelle surprise quand Molly donne effectivement naissance à une petite fille minuscule, pâle comme la mort ! Abeille est une enfant singulière, que beaucoup jugent attardée tant sa croissance évolue lentement.
Ce livre commence un nouveau cycle situé dans l'univers favori de Robin Hobb, celui où se situaient déjà les premières aventures de l'Assassin Royal, l'histoire des Aventuriers de la Mer et les récits des Cités des Anciens. C'est le troisième cycle consacré plus spécifiquement à l'Assassin Royal et il débute chronologiquement une dizaine d'années après la fin du cycle précédent.
Cela étant, même si l'univers nous est déjà connu, l'auteure prend le temps de brosser longuement la situation et les personnages pour remettre en place le contexte. C'est nettement un tome d'introduction, et l'action y est peu présente, d'autant que ce livre ne reprend que la première partie du premier tome de la trilogie originale. Nombre de lecteurs se plaignent de ce découpage de chaque tome VO en deux tomes VF, qui coupe abruptement l'intrigue. C'est oublier un peu vite qu'une traduction française pèse généralement 20% plus lourd qu'une version anglaise. Pour ma part, pour avoir eu entre les mains les intégrales J'ai Lu reprenant le découpage original des trilogies précédentes (des pavés d'un millier de pages, particulièrement encombrants malgré leur format "poche"), j'approuve totalement ce découpage qui rend l'ouvrage plus aisé à manipuler !
Ne vous attendez donc pas à un condensé d'action à chaque page. Robin Hobb est une habituée des rythmes lents (même si parfois quelques années s'écoulent sans qu'on les voie, en l'occurrence), qui laissent tout le loisir de suivre les cogitations de personnages qui se complaisent dans leurs problèmes. Ici encore, le récit se met en place doucement. On y suit donc Fitz, moins torturé qu'avant mais toujours mélancolique et sujet aux lamentations. Il regrette la perte de son compagnon de Vif, Oeil-de-Nuit, ainsi que celle de son ami le Fou, dont il n'a plus de nouvelle et qui lui manque beaucoup.
Le Fou est le grand absent de ce volume : Après tout, au vu du titre, on aurait pu s'attendre à le retrouver ici. Mais un autre personnage fait son apparition, la petite Abeille, qui ne peut que nous le rappeler. En effet, si ses parents s'étonnent de ses différences, le lecteur avisé qui a déjà lu les précédents ouvrages de l'auteure aura tout de suite reconnu un nouveau Prophète Blanc ! La petite fille est certainement appelée à jouer un grand rôle dans l'histoire à venir. En attendant, on voit par ses yeux certains des événements, et ce changement de narrateur est plutôt bienvenu car il nous permet un autre point de vue.
Pas de grande surprise à attendre de ce roman, mais la magie habilement tissée par Robin Hobb dans ses récits fonctionne une fois de plus. On atteint la fin sans s'en rendre compte, et on est alors pressé de découvrir la suite !