Alors que les chrétiens juifs sont terrassés afin de payer la dette du grand incendie qui a ravagé Rome, c'est au sein d'une véritable orgie que César, alias Néron, et Lucius Murena vont enfin se parler de nouveau. La scène a ainsi lieu chez Trimalchion, un ancien esclave, nouveau riche, dont les fêtes sont particulièrement réputées. L'empereur va même jusqu'à offrir une mèche de ses cheveux à son ancien ami, en réponse à tout le mal qu'il a pu faire subir à Lucius Murena ces derniers temps...
Ainsi, c'est un Lucius Murena soulagé qui ressort de chez Trimalchion au petit matin. Soulagé d'avoir aussi pu mettre en garde César sur certains de ses conseillers. Soulagé de pouvoir éviter la poursuite des massacres qui ont lieu actuellement un peu partout dans Rome. Mais aussi méfiant : si César semblait affable cette nuit, Lucius sait que cela peut vite changer, chez un homme qui laisse souvent éclater ce qui s'apparente à de la folie.
Mais Lucius Murena aura vite d'autres ennuis à gérer, et à très court terme, au vu de l'attaque qu'il subit de la part de deux étranges personnages : un nabot défiguré, qui s'enrichit sur les malheurs des chrétiens juifs, et surtout un immense colosse, ancien gladiateur. Le combat a lieu, brut, sanglant, et Lucius parvient à défaire le gladiateur. Mais il est aussi laissé pour mort en plein milieu d'une place reculée de Rome. Bientôt, Lucius Murena est pris en charge par une jolie romaine, sœur d'un certain Caius Calpurnius Piso. Un homme d'influence, qui fomente de son côté le meurtre de l'empereur...
Lucius mettra du temps à retrouver une partie de ses esprits, avec tout le sang qu'il a perdu... Mais il parviendra à revenir, même si une partie de ses souvenirs ont été oubliés. Lucius Murena ne peut maintenant que faire confiance à celle qui l'a recueilli, et qui semble surtout intéressée par le plaisir que lui procure encore Lucius. Mais cette passion durera combien de temps, avant que la jeune femme, à la réputation sulfureuse, ne se lasse ?
La sortie de ce dixième tome de Murena est forcément un événement, pour Jean Dufaux, le scénariste de la première heure, pour Theo, le nouveau dessinateur qui a la lourde tâche de succéder à Philippe Delaby, et évidemment pour tous les amateurs de cette série qui est une véritable référence dès que l'on évoque l'histoire romaine. Ce n'est donc pas sans une appréhension certaine qu'on ouvre ce tome. Et dès la couverture, particulièrement osée et réussie, on se dit que cette équipe a su trouver le dessinateur qu'il fallait pour succéder à Philippe Delaby.
Car en parcourant les planches, on se rend compte que tout y est, de nouveau : les cases aux mille détails qui rendent les lectures et les relectures particulièrement jouissives, les personnages charismatiques, les détails dans les costumes d'époque, qui nous replongent immédiatement dans cet univers fait d'orgies, de complots et de combats bruts et sanglants. Les expressions soignées, les cadrages audacieux : bref, un raffinement que l'on ne peut que saluer bien bas. Theo Caneshi, le dessinateur de très belles séries comme Le trône d'Argile ou encore Le pape terrible, a fait montre d'un travail de fourmi pour arriver à ce résultat.
Le récit, à présent, est lui aussi à l'avenant : on accompagne Lucius Murena dans sa rencontre avec César, son ancien ami, on craint pour sa vie, et surtout on se demande ce qu'il adviendra de lui à présent, à un moment où César est encore une fois persuadé d'une nouvelle traîtrise de sa part... Le récit est surtout centré sur ce personnage, en prenant au passage quelques libertés historiques, et cela donne une nouvelle fois un tome passionnant, accrocheur. Un tome qui aurait pu être dessiné par Philippe Delaby, d'ailleurs.
Murena est et demeurera une série phare sur l'univers de Rome et sur l'Histoire qui y est associée. Et cela sera encore le cas pour longtemps avec des auteurs de cette trempe.