Les Chroniques de l'Imaginaire

Le Roi Démon (Shi - 2) - Zidrou & Homs, José

Il y a 150 ans, Londres était une ville à deux facettes : d'un côté, les fêtes dédiées à ceux qui ont eu la chance de bien naître ; de l'autre, la crasse et la prostitution pour tenter de survivre. Une loterie cruelle, qui de temps en temps parvient à faire remonter de véritables scandales, surtout à une époque où la photographie vient d'être inventée. C'est ainsi des images de son premier ministre en bien étrange posture, dans un des bordels de la ville, que reçoit la reine Victoria en personne. Et elle se dit que le scandale aura bien vite lieu, et qu'il fera de l'effet...

Car le terreau est bel et bien là, dans cette Angleterre victorienne, et il prend l'aspect de deux jeunes femmes. D'un côté, Jay Winterfield, fille de bonne famille, a été mariée de force avec un homme d'église. Un homme particulièrement pervers auquel elle parvient encore à résister, mais qui la bat de façon effroyable à chaque nouvelle dispute. Et ce n'est pas ce premier dîner de famille qui approche qui va permettre une accalmie. Et de l'autre côté, c'est Kita, une jeune Japonaise que Jay connaît bien, qui se plie au moindre désir de ses clients, avec ce fameux bordel où la photographie permet de recueillir de précieuses preuves...

Et le feu sera mis aux poudres un nouveau soir de disputes : alors qu'elle est battue par celui qu'elle déteste, Jay parvient à lancer du mercure chauffé au visage de son époux. Ce dernier est bientôt défiguré sur une moitié de son visage : la jeune femme en question, sous la houlette de la famille Winterfield, sera purement et simplement enfermée à l'asile psychiatrique. Celui-là même d'où elle avait pu faire sortir la jeune Kita. A présent, les rôles sont sur le point de s'inverser...

Et puis, il y a aussi le présent : Barrington, le PDG d'un important groupe d'armement, est toujours à la recherche de ceux qui ont posé des mines dans son jardin. Des mines qui ont coûté ses deux jambes à Terry, son fils, qui parviendra tout de même à vivre. L'enquête a été confiée au MI5, et à une certaine miss Shankar, une femme indienne qui parle des Shi, une organisation terroriste internationale, née il y a 150 ans, grâce à deux femmes que tout opposait, dans le Londres d'alors...

Ce second tome de Shi, série scénarisée par Zidrou et dessinée par l'espagnol José Homs et qui paraît chez Dargaud, est encore une fois une franche et belle réussite. Comme pour le premier tome paru en début d'année, ce sont les dessins d'une grande finesse et les couleurs flamboyantes de José Homs qui marquent particulièrement. La couverture, présentant les deux héroïnes de la série au milieu des flammes, est magnifique, et il faut bien se dire que toutes les planches sont tout simplement du même niveau.

Ainsi, José Homs parvient à accompagner parfaitement le récit de Zidrou, que ce soit dans l'Angleterre actuelle, ou dans le Londres de l'époque victorienne. Les cadrages sont bien souvent parfaitement maîtrisés, avec des plans tantôt serrés pour mettre en valeur une expression particulière, tantôt bien plus lointains, justement avec des cases qui fourmillent de ces mille détails qui permettront au lecteur de découvrir encore bien des choses avec une seconde lecture.

Au niveau du récit, on tient encore une fois un rythme haletant, en passant d'un groupe de personnages à un autre. Dans l'Angleterre victorienne, encore une fois très convaincante avec le trait de José Homs, on suit tantôt Jay, tantôt Kita, qui livrera d'ailleurs un terrible secret sur la signification du tatouage qu'elle a dans le dos, faisant entrer une dose de fantastique dans le récit. Et dans le présent, on retrouve une ambiance qui n'a rien à envier à une série comme Millenium, bien ancrée dans la réalité de notre présent. Le scénario est maîtrisé de bout en bout, comme cela est bien souvent le cas dans les séries de Zidrou.

Un second tome léché, qui a fait l'objet d'un grand soin jusque dans les moindres détails : vivement la suite de ce premier cycle, qui devrait comporter quatre tomes !