Les Chroniques de l'Imaginaire

Il s'appelait Ptirou (Une aventure de Spirou et Fantasio par... - 12) - Sente, Yves & Verron, Laurent

Nous sommes le soir du réveillon de Noël de l'année 1959. Une voiture fend la nuit pour tenter d'arriver à l'heure au repas du réveillon. A bord de la voiture, l'oncle Paul se doute qu'il est particulièrement attendu par ses trois neveux... Il faut dire que l'oncle Paul les régale de toutes sortes d'histoires depuis leur plus tendre enfance, et qu'il en a une, particulièrement savoureuse, à raconter ce soir. Une histoire qui nous amène en 1929, au moment du fameux krach boursier...

En cette période, très peu de sociétés sont épargnées par les conséquences de cette crise financière. Pas même La Compagnie Générale Transatlantique, dirigée par Henri de Sainteloi, qui gère les paquebots de luxe français. Ainsi, cette histoire est franchement triste au départ, puisqu'il est demandé à Henri de licencier 250 employés. C'est contre sa volonté que le directeur ne pourra qu'obéir aux actionnaires, et passer un mauvais moment au Havre, où il devra annoncer la nouvelle à ses ouvriers... La nouvelle ne se passe pas sans heurt, notamment auprès de Druant, l'homme que les ouvriers écoutent, et qui va purement et simplement se faire virer...

C'est à la même époque qu'on assiste, dans un cirque proche du Havre, à la fin tragique de Madly, une trapéziste qui fait une chute fatale lors de son numéro. Madly laisse un fils orphelin, du nom de Ptirou. Un fils qui souhaite maintenant tourner la page du cirque, et se rendre en Amérique où, dit-on, tout est possible...

C'est ainsi en tant que clandestin que Ptirou va parvenir à monter à bord d'un immense paquebot, L'île de France. Un paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique, à bord duquel se trouvent Henri de Sainteloi, mais également sa fille, Juliette. Celle-ci a la santé fragile, et son médecin a donné son accord pour qu'elle se change les idées en accompagnant son père dans la traversée de New-York, alors que celui-ci doit négocier des tarifs auprès des Américains.

Tout oppose ainsi Juliette et Ptirou, et pourtant ce dernier, devenu groom de service au lieu de rester un passager clandestin, va se retrouver au bon endroit au bon moment, et rencontrer Juliette. La fille d'Henri de Sainteloi est accompagnée d'une nouvelle femme de chambre, qui passe le plus clair de son temps à avoir le mal de mer. Ptirou devient ainsi vite un compagnon agréable pour la jeune malade...

Mais Ptirou surprend aussi des conversations étranges, autour de ce qui pourrait être un attentat qui se prépare sur le bateau. Il faut dire que Ptirou n'était pas le seul passager clandestin à bord du paquebot, puisqu'on y retrouve Druant, le porte-parole des ouvriers, bien décidé à ne pas en rester là auprès d'Henri de Sainteloi...

C'est Yves Sente qui est au scénario de ce Il s'appelait Ptirou, douzième tome de la série Une aventure de Spirou et Fantasio par..., qui paraît chez Dupuis. Un titre et une couverture qui font forcément penser à Spirou, le célèbre héros de la galaxie Dupuis, même si on reste ici finalement assez éloigné, sans vouloir trop en dévoiler... C'est en tout cas Laurent Verron (qui reprend Boule et Bill) qui est en charge des dessins de ce tome.

Laurent Verron possède en tout cas un trait fin et précis, tout en rondeur, qui sied à merveille pour mettre en image les séries de chez Dupuis. Les personnages sont travaillés, attachants, il y a du mouvement, absolument nécessaire dans les scènes d'actions ou de poursuite, ou encore dans les scènes qui ont lieu dans un temps d'apocalypse. Les jeux d'ombre et de lumière sont également parfaitement maîtrisés, donnant à la fois un côté rétro et un côté plus adulte que ce qu'on peut lire habituellement en ouvrant un Spirou.

Les dessins sont d'une excellente maturité donc, et sont particulièrement adaptés à une histoire où tout est loin d'être toujours rose. Yves Sente nous parle de la fragilité de Juliette, de chômage, de misère, le tout sur un ton particulièrement juste pour être appréhendé par toute la famille. Une justesse qui est la véritable force de cet album, qui trouvera donc un large public. Les couleurs sont à l'avenant, tantôt sombres, tantôt lumineuses, et c'est un régal de retrouver également ces enfants en 1959, désireux de connaître la suite de cette histoire.

Un excellent douzième tome dans cette série donc, qui laisse d'ailleurs une fin ouverte : messieurs Yves Sente et Laurent Verron, nous prépareriez-vous un autre tome du même acabit ?